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2007-06-07

On se prépare pour tout bloquer. Police partout, justice nulle part d'actualité !

Dehors, une légère pluie s’écoule du ciel. En sourdine, au loin, un concert de punk en allemand. Plus proche, les cris des gens qui se préparent pour les prochains jours aux actions de résistances pacifiques.

Je me suis réfugié dans ma tente, et échappe ainsi pour un moment à l’humidité ambiante, quoique…

Le camp de Redelich, le plus proche de la ville d’Heiligendamm. C’est d’ici que partiront la plupart des manifestations visant à empêcher le G8 de se tenir normalement.

Nous sommes un groupe d’une vingtaine de personnes, arrivés aujourd’hui du camp de Rostock.

Avec nos vélos surchargés, plein de bagages, on déclenche le rire des passants, et même la police, excitée comme des abeilles sur le miel, semble tout à coup se détendre un peu…

Depuis la manifestation de samedi, les journées passent plus tranquillement entre préparations, recherches d’informations et discussions. Le dimanche, des activités étaient prévues du côté de Rostock avec le CADTM autour de la question de la dette. De nombreuses organisations se réunissaient, mais rien de nouveau n’en est sorti visiblement. Si ce n’est que certaines d’entre elles étaient manifestement opposé aux blocages, ce qui a apparement frustré pas mal une partie des membres du CADTM. En début d’après-midi, une partie du groupe s’est dirigé au centre de convergence, près du port, où nous avons pris part à un sitting devant le tribunal où était encore retenu une dizaine de manifestants. A un moment, un des voisins s’est mis à passer des chants révolutionnaires à tue-tête. Les allemands ont repris tous ensemble, et ce fut un grand moment d’humour et de satisfaction d’être ensemble.

De retour au camp de Rostock, il est décidé d’aller participer à une réunion francophone au camp de Redelich, et d’en profiter pour une petite reconnaissance des lieux. La plupart parcourent donc en un peu moins de deux heures la vingtaine de kilomètres qui séparent les deux camps. Pour ma part, j’enfourche une grosse moto, derrière un camarade breton qui a parcouru lui 1500 km depuis St-Brieuc pour venir s’opposer au G8 : je crois qu’il était autant motivé à faire du kilomètre sur sa nouvelle bécane que de manifester sa colère, mais l’essentiel est d’être motivé, non?

Ca fait super plaisir d’entendre parler français. On retrouve aussi quelques têtes parisiennes (bien rares…). La réunion compte une centaine de participants. Les anarchistes ont bien organisé le camp et on nous recommande leurs repas, qui en effet, sont particulièrement savoureux. Un tableau indique le coût des repas jusqu’alors : 27 000 euros. en dessous, le montant récolté pour le moment 7000 euros, et les 20 000 euros manquants pour rentrer dans les frais. Nul doute que d’ici la fin, les sommes engagés seront remboursées. Chacun s’acquitte, en fonction de ses moyens, de la somme adaptée.

Une grande tour de contrôle en bois se dresse au milieu du camp, et domine les milliers de tente qui ont poussés aux alentours, dans les collines verdoyantes. En plusieurs endroits, des chapiteaux abritent des activités. Au dehors, de grands panneaux proposent des infos mises à jour toutes les 15 minutes.

Il faut reconnaître que l’organisation est vraiment abouti.

Le volume de la musique a un peu augmenté, et une espèce de bouillie pop allemande sort de la scène dressé au loin. Certains de notre groupe finissent de monter leurs tentes en se posant des questions…

Pendant la réunion francophone, on s’échange les dernières infos sur la répression, on pose les questions d’usage sur comment faire les blocages, quelles sont les choses à faire et ne pas faire, on constitue des groupes « affinitaires ». On parle ouvertement de questions comme le « niveau de violence acceptable ». Certains veulent en découdre avec les forces de l’ordre aux cris de « No justice, No peace, Fight the police ! » tandis que d’autres sont résolument pacifiques. Chacun choisit librement, mais nous aurons tous à subir une même violence, de la part de la police, de la part du système…

Nous retraversons à moto les vingt kilomètres en direction du camp de Rostock. Le nombre de véhicule de police a diminué, mais il est toujours impossible de les compter tant ils sont nombreux. Il s’agit d’une véritable guerre psychologique qui se joue, et on ne passe pas à un carrefour sans croiser une voiture, ou un fourgon vert marqués « Polizei ».

Au camp, c’est une bonne surprise qui nous attend en la personne de Wangui Mbatia, du Kenya, une des fameuses « leaders » du People’s Parliament à Nairobi. Les échanges vont bon train, et ses avis sur les choses sont toujours passionants. Elles ne comprend pas vraiment pourquoi les noirs qui sont là semblent uniquement préoccupés par la question des migrations, quand la guerre et les dictatures, le pillage et l’injustice sont partout sur son continent. Quand aux anarchistes, elle ne comprend pas exactement qui ils sont ni ce qu’ils veulent. Il lui semble qu’ils auraient bien pu venir pour tout autre chose. Elle apprendra à les connaître : c’est même l’occasion ou jamais ! On reparle également du fameux forum social mondial et de son impact au niveau du Kenya. Visiblement limité au public « informé », il reste bien faible, même si un certain nombre d’activistes et de groupes se sont connectés et travaillent aujourd’hui un peu plus ensemble, et que des « graines » ont étés semés dans les têtes de quelques-uns. Les organisateurs eux, courent toujours, en toute impunité, et parlent d’organiser à nouveau le forum sur le continent en 2011… Sont vraiment sans gêne ceux là…

La discussion traîne jusqu’à tard autour du thé, des bières, et d’une bougie : on se raconte des blagues sur les hommes africains, on parle de tout et de rien, et la fatigue commence à se faire sentir…

Ce matin, des actions diverses sont prévues en ville dans le cadre de la journée sur le thème des migrations, pour la liberté de circulation. On croise quelques manifestations, entend des cris, mais nous devons préparer notre déménagement, et nous nous affairons donc quelques heures durant pour tout empaqueter sur nos vélos. Je me sépare à contre-coeur de mon super VTT récupéré et de son deuxième guidon sur lequel j’avais fixé une belle sonnette. J’ai malheureusement absolument besoin d’un porte-bagage et je récupère donc un vélo assez marrant avec frein rétro-pédalant, avec lequel je m’amuse beaucoup. Sur la route, on fait un petit ravitaillement, et attachons le caddie à un vélo, que nous remorquons jusqu’au camp, d’où je viens de m’offrir une petite sieste réparatrice avant d’écrire ce message.

J’ajoute, après être sorti de la tente, et avoir fait un petit tour du camp, que les choses ont pris une autre envergure : le camp s’est rempli sérieusement. Partout, des réunions se tiennent, sous les tentes, dehors, sur les parkings. Les anarchistes servent à l’endroit où je viens de manger plus de 1500 repas par jour. Des punks pleins de tatouages font la vaisselle. Pas que ça m’amuse, mais on voit pas ça tous les jours. Les chemins sont balisés, des copeaux disposés pour éviter la gadoue. Au centre indymedia, c’est rempli aussi, et ça fait bizarre d’être du côté des utilisateurs, à poser des questions, à ceux qui ont montés tout ça, et qui sont fatigués de répondre aux mêmes questions…

Au Mali, les activités du Forum des Peuples commencent à Cikasso. Demain, nous irons faire quelques repérages pour nos actions de blocages. Mercredi, commencent les choses sérieuses.

Il semble que la semaine commence à se profiler avec plus de certitudes. Je vais vite rejoindre le groupe qui se réunit en ce moment même.

Salutations militantes depuis le nord de l’Allemagne.

[http://www.zoulstory.com]