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2008-04-11

Résumé de la chronologie des événements en lien avec la répression

Il s'agit de la deuxième partie du bilan du groupe antirépression (gar)

de Lausanne. Nous ne parlerons que de ce qui concerne la répression. Il

ne s'agit pas d'un bilan politique général des mobilisations contre le G8

à Evian en 2003.

Bilan de la permanence antirépression G8 - 2003 Evian (1)

Les pages qui suivent constituent un modeste bilan de la permanence
antirépression de Lausanne, mise en place pendant les mobilisations
contre le G8 d'Evian en mai-juin 2003. Ce bilan nous le terminons une
année plus tard. Depuis le G8, beaucoup de choses se sont passées du
point de vue de la répression policière (notamment, la répression de
Landquart au retour de la manifestation autorisée de Coire contre le WEF
2004, des évacuations musclées de plusieurs squats sur le plan
lausannois, pour ne citer que quelques-unes des interventions violentes
dont la police nous a gratifié-e-s). Il nous paraît donc d'autant plus
important de garder une trace de ce qui s'est déroulé pendant le G8, dans
la mesure où il apparaît assez clairement - pour Lausanne du moins - que
du point de vue de la répression il y a un avant et un après G8. La
présence bien visible des antiémeutes lors des dernières manifestations en
témoigne.
Contexte médiatique et politique

Un climat de psychose

Le premier élément qu'il est essentiel de rappeler est le climat de
psychose généralisée. Durant les mois précédant les événements, les
interventions publiques alarmistes et angoissées des élu-e-s sur les
dégâts que pourrait engendrer la venue de centaines de milliers de
manifestant-e-s à Lausanne n'ont cessé de faire écho aux révélations,
scoops et autres analyses des us et coutumes présumés du fameux black
bloc dont nous abreuvaient les médias. Signalons encore l'éventualité
d'actes terroristes liés à la guerre en Irak invoquée à diverses reprises
pour légitimer des mesures de sécurité de grandes ampleurs. Suite à
l'annonce de la "fin" de la guerre en Irak, le dispositif de sécurité
prévu fut revu à la baisse. On avait annoncé le pire: fermeture de
l'autoroute N1 pendant le transport des délégations, navigation sur le
lac Léman interdite, centre-ville de Lausanne bouclé en raison des hôtels
à sécuriser, etc. Une large partie de la population était dès lors
susceptible d'accepter sans trop broncher une réduction drastique de ses
libertés.

Deux événements significatifs

Dans ce climat, deux événements ont pris une signification particulière
et ont eu des conséquences importantes pour la suite.
Le premier a eu lieu à Genève le 29 mars 2003. Suite à une manifestation
contre l'OMC et la guerre en Irak, la police donna le ton et montra de
quoi elle était capable quelques mois avant le G8: des manifestant-e-s
rentrant chez elles/eux furent violemment chargé-e-s par des antiémeutes
dans la gare de Cornavin. Plusieurs d'entres elles/eux furent grièvement
blessé-e-s. Conjointement aux coups de matraque, la police tira des
balles colorantes, ce qui causa une blessure grave à une manifestante
visée au visage. Dès lors, toutes celles et tous ceux qui s'organisaient
contre le sommet d'Evian pouvaient craindre le pire du comportement futur
de la police. La nécessité d'organiser une permanence antirépression dans
les différents lieux de mobilisation durant le G8 se confirmait. Par la
suite, les autorités ont été contraintes de reconnaître que la police
avait commis une bavure à Cornavin, ce qui causa la démission du chef de
la police genevoise, sans qu'il y ait toutefois de remise en cause
politique. Ainsi, si la police s'était donc vue un peu réfreinée dans ses
élans répressifs en raison du retentissement médiatique de cette affaire,
il n'en demeure pas moins qu'après cet affront, elle attendait sa
revanche. Cet événement et ses suites ont sans aucun doute influencé le
mode d'intervention de la police à Genève, mais également à Lausanne.
Le deuxième événement, moins spectaculaire, se déroula à Lausanne le 1er
mai où, à la fin du cortège officiel, une action symbolique a lieu contre
l'Hôtel de luxe Lausanne-Palace. A la surprise des organisateurs/trices
de l'action, elle se conclut par une légère casse. Dans le climat
d'alors, cet épisode mineur alimenta la psychose ambiante et offrit un
prétexte à beaucoup de personnes pour ne pas se mobiliser dans le cadre
de
l'organisation des résistances.

Panorama lémanique

Le sommet du G8/G21 a suscité l'organisation de manifestations et
d'actions de contestation des deux côtés de la frontière franco-suisse,
de façon coordonnée pour une partie d'entre elles. De multiples
acteurs/trices s'y sont employé-e-s.

Les collectifs

La Coordination européenne contre le G8 réunissait de nombreuses
organisations de France, Suisse, Allemagne, Grande-Bretagne. Elle a lancé
un appel à la mobilisation (en annexe).

Le Collectif haut savoyard de résistance au G8 (CHARG8) réunissait des
organisations françaises. Il était responsable des mobilisations sur
territoire français et interlocuteur des autorités.

Le Forum social lémanique (FSL) réunissait de nombreuses organisations
genevoises, politiques, syndicales et associatives. Il a été le
signataire du "Mémorandum d'accord" avec le Conseil d'Etat de la
République et Canton de Genève, portant sur l'ensemble des manifestations
et actions anti-G8 (en annexe). FSL et CHARG8 ont négocié, ensemble, les
conditions de la manifestation inter-frontières avec les autorités
franco-suisses réunies. Le FSL s'est doté d'une déclaration sur les
"Objectifs et moyens d'action de la mobilisation anti-G8" (en annexe). Il
appelait à une grande
manifestation pacifique et, dans des lieux et à des moments différents, à
des actions de blocages non violents.
Il demandait par ailleurs de renoncer "à d'autres types d'action pendant
le G8, notamment? s'attaquer aux façades d'établissements symbolisant le
pouvoir capitaliste en général". A l'heure où ce rapport est rédigé, nous
savons que l'un des principaux animateurs du FSL est attaqué par un juge
d'instruction genevois qui, à la suite d'une plainte déposée par l'Union
démocratique du centre (UDC), l'a inculpé d'incitation à la désobéissance
civile, émeute, dommages à la propriété, violation de domicile.

La Convergence des luttes antiautoritaires et anticapitalistes contre le
G8 (CLAAACG8) rassemblait des mouvements d'inspiration libertaire. Non
membre du CHARG8 et du FSL, elle s'organisait parallèlement à ces
collectifs.

Les groupes locaux. Tout autour du lac Léman, des groupes locaux ont été
actifs dans l'organisation d'actions et manifestations, plus ou moins
coordonnées.

La Coordination anti-OMC, active indépendamment de la mobilisation contre
le G8, a joué un rôle dans l'organisation et la coordination de
différents groupements, en vue de la mise sur pied d'actions et
manifestations.

Le Comité vaudois anti-G8 réunissait des personnes de différentes
provenances et non des organisations associatives, politiques ou
syndicales. Il était en contact avec le FSL, les deux groupements
coordonnant leurs actions. Le Comité vaudois anti-G8 était
l'interlocuteur des autorités locales, cantonales et communales, avec
lesquelles il a signé un "Protocole d'accord" (en annexe). Imitant le
FSL, le Comité vaudois anti-G8 a publié sa propre déclaration.

Les villages

Plusieurs villages ont été mis en place pour accueillir les
manifestant-e-s, expérimentant des modes d'organisation sociale
alternatifs.

Le village intergalactique (VIG), sur sol français, représenté par
différentes mouvances, notamment trotskistes.

Le village alternatif, anticapitaliste et antiguerre (VAAAG), sur sol
français, d'inspiration libertaire.

Le village du Bout du Monde, sur sol genevois, représenté par différentes
mouvances.

La zone autogérée (ZAGE), sur sol genevois, d'inspiration libertaire.

Oulala c'village, devenu Oulala c'forum, sur sol vaudois, près de la
Bourdonnette mais au bord du lac, équipé pour des activités culturelles
et peuplé par des organisateurs/trices et de campeurs/euses.

La Bourdonnette, sur sol vaudois, installée "de force" (voir plus loin)
par les autorités vaudoises et finalement investie par des
campeurs/euses.

L'antirépression

Deux collectifs se sont mis en place spécifiquement dans le but de
contrer la répression policière et judiciaire.
La permanence juridique genevoise. Indépendante des autorités et des
organisateurs/trices de manifestations et actions, elle se donnait comme
objectifs de veiller au respect des droits des manifestant-e-s autant sur
sol français que suisse et de soutenir juridiquement les manifestant-e-s
qui seraient poursuivi-e-s en relation à la mobilisation contre le G8.
Elle disposait de legal-teams (groupes légaux) sur le terrain, chargés de
l'observation et de la récolte de témoignages. Elle s'est dotée d'une
charte (en annexe).

Le groupe antirépression (gar) de Lausanne, voir chapitre de ce rapport.

Hormis ces deux groupes clairement constitués, différents acteurs/trices
ont été amené-e-s à se mêler de près ou de loin de questions relatives à
la répression, rendant parfois complexe la lecture du dispositif anti-G8.
Citons, en vrac:

· le centre de convergence de Lausanne;
· les centres d'information des différents villages;
· les groupes média disséminés un peu partout et mobiles;
· les équipes médicales des manifestant-e-s (connues sous les
appellations de médics ou sani);
· les groupes d'observateurs/trices parlementaires mis en place à Genève
et à Lausanne;
· Amnesty international, section France, qui a fonctionné comme
observateur, à Genève et Lausanne, lors de manifestations autorisées; ·
le groupe de facilitateurs/trices mis en place par le gar lausannois; ·
les legal-teams italiens, qui ont offert leur contribution à Genève et
Lausanne, de façon indépendante, mais en lien avec la permanence
juridique et le gar.

Les crispations

Comme il a déjà été indiqué, le climat qui a précédé le sommet G8/G21
était très tendu, empreint de délire sécuritaire. Les
organisateurs/trices des manifestations ont subi de fortes pressions de
la part des forces politiques, des autorités et de la police. Des
tensions se sont exacerbées entre différentes mouvances autour de la
pertinence d'actions impliquant d'éventuels dommages à la propriété. Le
débat autour de la "violence" faisait rage, sans que l'on pût définir
précisément ce que chacun-e entendait par "violence". L'organisation de
blocages représentait un enjeu central. Faut-il rappeler qu'une
résistance à ce genre de sommet n'est pas imaginable sans ce type
d'action? Dans un premier temps, autant le FSL que le Comité vaudois
anti-G8 appelaient donc à des blocages. Dans ce
contexte, le FSL et le Comité vaudois anti-G8 ont élaboré leurs
déclarations, appelant les manifestant-e-s à renoncer à des actions
susceptibles d'entraîner des "destructions matérielles". Le FSL a
maintenu son appel à des blocages "non-violents"; le Comité vaudois
anti-G8 a retiré le sien. Pendant ce temps et quoi qu'il en soit, des
actions de blocage se préparaient (ponts de Genève, pont d'Aubonne,
Morges, accès au débarcadère de Lausanne, etc.). Il semble que, de façon
plus ou moins explicite, des appels informels laissaient entendre que les
blocages les plus radicaux se dérouleraient à Lausanne.

Nébuleuse?

Le climat de tension, les nombreux/euses interlocuteurs/trices du côté
des autorités, compte tenu de l'implication de deux pays et des
structures fédéralistes suisses, le grand nombre d'acteurs/trices et
collectifs en jeu, la panoplie de structures par compétences, tout ce que
nous avons très sommairement décrit ci-dessus donne une petite idée de la
complexité, mais aussi de la richesse du paysage, voire de la nébuleuse
dans laquelle le groupe antirépression de Lausanne a dû se construire et
se mouvoir.

Panorama vaudois

A l'échelle vaudoise aussi il est utile de rappeler brièvement de quelle
façon s'est construite l'activité d'opposition au G8 et quel-le-s
acteurs/trices s'y sont impliqué-e-s.

La Coordination anti-OMC

Dans la foulée des mobilisations annuelles contre le WEF de Davos, la
Coordination anti-OMC de Lausanne a appelé, en 2003, à des assemblées
générales en vue de préparer les mobilisations contre le G8. Ces
assemblées ont permis à de nombreuses personnes de se rencontrer et de
s'organiser. A partir de là, moult actions ont été mises sur pied dès
mars 2003, telles que manifestations à vélo, théâtre de rue, fêtes de
soutien, distribution de tracts, diffusion d'un agenda reprenant
l'ensemble des activités mises sur pied à Lausanne et environs. La
Coordination anti-OMC a joué un rôle dans la distribution de
l'information antirépression. Lors du G8 lui-même, les participant-e-s
aux assemblées générales et les membres de la Coordination anti-OMC se
sont fondu-e-s dans les diverses actions menées contre la tenue du
sommet.

Les feux au lac

Le coup d'envoi de la campagne a été donné en novembre 2002 par de très
médiatiques personnages: Joseph Zisyadis, secrétaire du Parti ouvrier et
populaire (POP) vaudois, député au Grand Conseil vaudois et au Conseil
national, ainsi qu?Aristides Pedraza, personnage phare de l'Organisation
socialiste libertaire (OSL) et du syndicat SUD - Service public du canton
de Vaud. Ces deux personnalités politiques ont convoqué la presse pour
annoncer, sans concertation préalable avec d'autres acteurs/trices
locaux/ales, l'intention d'allumer des feux sur les rives du lac Léman à
l'occasion du sommet.

Le Comité vaudois anti-G8

Il s'est constitué autour de ce premier appel, ce qui a peut-être
représenté le début des malentendus et des contradictions. Le Comité
vaudois anti-G8 (ci-après le Comité) était composé d'individus, pour la
plupart organisés dans des partis politiques, des associations ou des
syndicats, mais ne représentant qu'eux-mêmes en l'occurrence. Pour
l'essentiel, ces individus émanaient de différentes mouvances
alternatives et libertaires, ainsi que du POP/Gauche en mouvement et du
Parti
socia-liste vaudois (PSV). On notera une très faible participation de
militant-e-s institutionnel-le-s, à savoir lié-e-s à des partis ou à des
syndicats. Au surplus, les rares institutionnel-le-s présent-e-s ont
souvent joué un rôle de frein aux mobilisations.
Ainsi en est-il du PSV: d'emblée, ce dernier a donné son accord pour les
"feux au lac", mais s'est fermement opposé à l'organisation de toute
autre manifestation à Lausanne, se bornant à appeler à la grande
mobilisation du 1er juin à Genève. Selon toute vraisemblance, cette
position de retrait est due au fait que la ville de Lausanne a un
gouvernement à majorité rose-verte: sur sept conseillers/ères
municipaux/ales, trois sont
socialistes, allié-e-s avec un vert, le syndic. Dans ce contexte, la très
faible épaisseur politique d'une bonne partie des personnes concernées,
les orientations politiques du parti expliquent certainement que le PSV a
?uvré davantage dans le souci de protéger les vitrines de sa ville contre
d'hypothétiques casseurs/euses que dans celui d'accueillir des
manifestations visant à fustiger des politiques qui détruisent la
planète, ses habitant-e-s et ses sociétés. En filigrane perçait avant
tout la préoccupation électorale.
Par ailleurs, il est utile de relever la sympathie que l'exécutif
lausannois témoigne à l'égard des théories sécuritaires importées des
Etats-Unis et connues sous la dénomination de "tolérance zéro", dont elle
a une pratique éprouvée, au point qu'elle s'est dotée d'un "observatoire
de la sécurité" qu'elle a eu le bon goût d'inaugurer en mai 2003 et de
différents plans de disciplinarisation des populations considérées comme
gênantes. Toujours est-il que les tensions ont été tellement vives qu'on
a pu croire à un moment donné que le PSV considérait les
organisateurs/trices de manifestations comme des ennemi-e-s politiques
locaux/ales plutôt que comme des opposant-e-s au système capitaliste
mondialisé. Rappelons d'ailleurs que la présidente d'alors du PSL (Parti
socialiste lausannois) a proféré des menaces contre les milieux
alternatifs en pleine séance du Comité, laissant entendre que les lieux
alternatifs de la ville pourraient souffrir de leurs agissements.
Si nous nous sommes arrêté-e-s sur la description de la position du PSV
c'est parce que, comme nous le verrons à l'heure des conclusions, elle
n'est pas sans conséquences sur l'intensité de la répression à Lausanne,
durant le G8 et après.
Les pirouettes de Joseph Zisyadis également méritent qu'on s'y attarde
quelques lignes, comme celles de quelques-uns de ses camarades de parti.
M. Zisyadis était donc l'un des initiateurs médiatiques des "feux au
lac". Il a été le fossoyeur médiatique du Comité. Nous formons
l'hypothèse que le personnage, bien que s'étant lui-même mis en avant
sans y avoir été requis, s'est trouvé embarrassé en vedette d'un
groupement qu'il ne maîtrisait pas et qui ne le suivait pas comme un seul
homme, mais
l'entraînait plutôt là où il ne voulait pas aller, ce qui était
susceptible d'avoir des conséquences électorales. On le sait, son mot
d'ordre est "chaque voix compte", de celles qui sont glissées dans l'urne
s'entend. Celles qui s'expriment dans la rue apparemment font plus peur,
les risques de casse quant à eux ont visiblement la faculté de tétaniser
l'homus politicus vaudois. Toujours est-il que M. Zisyadis, entouré
d'alternatifs/ves, ne savait plus comment s'en sortir. Alors il a tiré
profit de l'épisode déjà décrit du 1er mai à Lausanne. Entouré d'une
escouade de journalistes accouru-e-s pour l'occasion, il a enjoint le
Comité de condamner publiquement et fermement cet épisode. Le dit Comité
a tenu un long débat où on en a entendu de toutes les couleurs, jusqu'à
la comparaison de la part d'un membre du POP entre des graffitis en tout
genre et des inscriptions de croix gammées sur les murs des synagogues,
c'est dire si l'on était loin des quelques pots de buissons endommagés
devant l'hôtel Palace. Le dit Comité a finalement résolu d'entrer en
matière, mais s'est borné à la formule selon laquelle il ne se
reconnaissait pas dans l'événement du 1er mai. M. Zisyadis, non content,
a quitté sur-le-champ et avec fracas le Comité, à quelques jours de
l'ouverture du sommet. Rappelons qu'il ne représentait que lui-même et
non son parti, dont des membres ont poursuivi leur engagement dans les
mobilisations, non sans subir des pressions.
En fin de comptes, à quelques encablures de l'ouverture du sommet, le
Comité s'est trouvé quasi totalement dépourvu de représentant-e-s
institutionnel-le-s. Le PSV continuait d'y envoyer les sien-ne-s, pour
des raisons que lui seul connaît, le contrôle vraisemblablement. C'est à
cette période qu'Aristides Pedraza, enseignant à l'Ecole professionnelle,
a eu vent de menaces qui pesaient sur lui: un député libéral, Patrick de
Preux, préparait une interpellation au Grand Conseil qui le mettait en
cause sur des questions d'hypothétiques "infractions ou délits
d'incitation à la violence ou à la désobéissance civile", "de ses devoirs
en tant qu'employé de l'Etat de Vaud et de son devoir de loyauté". Sous
pression de toutes parts, le Comité a alors publié une déclaration,
calquée sur la déclaration genevoise dont il a déjà été fait mention. A la
différence du texte genevois, le vaudois n'appelait pas à des blocages,
lesquels étaient explicitement exclus par le protocole d'accord signé avec
les autorités. Par ailleurs, le Comité a mis en place une structure dont
onn'a jamais très bien su s'il s'agissait d'un service d'auto-protection
des manifestant-e-s ou d'un service d'ordre, les "poulettes", pour encadrer
la manifestation du jeudi 29 mai et en écarter les éventuel-le-s
participant-e-s à des black blocs. Ces événements ont entraîné des
divisions dans les milieux alternatifs et libertaires.

Les villages

Dans un premier temps, le collectif "Oulala c'village" s'est constitué
dans le but d'accueillir les manifestant-e-s au sein d'un camping
alternatif. Le collectif ne faisait pas partie du Comité, mais
participait à ses séances et aux négociations avec les autorités.
L'emplacement du village était très litigieux. N'ayant pas obtenu le
terrain convoité, "Oulala c'village" a rompu les négociations et s'est
dissout. Un groupe de militant-e-s, sous la dénomination de "Où ce k'il
est c'village", a occupé le site de Dorigny, au bord du lac, pendant que
les autorités équipaient un autre terrain, à la Bourdonnette, bien en
retrait des rives lacustres mais avec vue sur l'autoroute et sous la vue
des caméras de surveillance de la piscine adjacente. Les autorités ont
menacé d'évacuer Dorigny par la force si les manifestant-e-s étaient
appelé-e-s à s'y installer. La tension fut vive et aboutit finalement à
un compromis: Dorigny pourrait accueillir, sous la dénomination de
"Oulala c'forum", les équipements nécessaires à l'organisation de
spectacles et discussions, ainsi que les tentes des militant-e-s pour les
surveiller et les faire fonctionner. Par contre, tou-te-s les autres
campeurs/euses furent appelé-e-s, via Indymedia, à investir la
Bourdonnette. En définitive, il y eut à Lausanne deux campings: "Oulala
c'forum" à Dorigny et la Bourdonnette. Il est difficile de comprendre
l'enjeu de cette bataille des terrains menée par les autorités, que nous
ne pouvons expliquer que par une volonté de démonstration de leur pouvoir
effectif.
Les observateurs/trices

Un groupe d'"observateurs/trices" neutres a été mis sur pied par un
député vert, Luc Recordon, à la demande d'abord de M. Zisyadis, puis des
autorités et du Comité vaudois anti-G8 conjointement. Le groupe était
composé de député-e-s au Grand Conseil vaudois, de conseillers/ères
communaux/ales et d'ancien-ne-s détenteurs/trices de charges publiques,
tou-te-s agréé-e-s par les signataires du protocole d'accord. Sa mission
était d'assister aux manifestations pour en observer le déroulement
depuis des positions surélevées, soit depuis des bâtiments situés sur le
parcours des défilés. Par ailleurs, les autorités garantissaient à ses
membres le libre accès à tous les lieux où se trouveraient des
manifestant-e-s interpellé-e-s par la police. Il importe de relever que
ce groupe ne prévoyait pas dépasser un rôle de stricte observation et
entendait assurer une présence exclusivement durant les manifestations
autorisées du 29 mai et du 1er juin à Lausanne. Cependant, il a dû
s'adapter aux événements et se rendre à la Bourdonnette durant le siège
que la police y a tenu le dimanche 1er juin à la suite des actions de
blocage, ainsi qu'à la manifestation non autorisée du
3 juin. M. Recordon a rendu un rapport provisoire le 3 juin 2003. Il
relevait, notamment: le déroulement sans problèmes de la manifestation du
29 mai; aucune violence, mais des "dérapages" de la police lors du siège
de la Bourdonnette et des interpellations qui ont suivi; l'impossibilité
d'obtenir de la police la liste des personnes interpellées, même 48
heures après les événements; la prise en charge médicale lacunaire lors
du siège de la Bourdonnette. Le rapport, s'il fait état de la présence de
"casseurs" qualifiés de violents durant les manifestations du 1er juin,
garde le silence sur les méthodes d'intervention de la police et le
nombre de blessé-e-s que celles-ci ont occasionné. En juin 2004, le
rapport définitif n'avait pas paru. Comme nous le verrons plus loin, les
observations du gar seront plus inquiétantes.

Amnesty international

Amnesty international a également mis sur pied un groupe
d'observateurs/trices. Sa mission consistait à assurer une présence dans
les rangs des manifestant-e-s, dans un but d'observation sans
intervention, lors des manifestations autorisées du 29 mai et du 1er juin
à Lausanne. Le groupe a en fait assisté uniquement à la manifestation du
29 mai et a refusé de jouer son rôle à celle du 1er juin, car entre temps
elle avait été interdite par les autorités.

Le groupe antirépression (gar) de Lausanne

Sous sa forme actuelle, il s'est constitué en vue du G8, suite à un appel
large lancé par l'OSL. Comme il fait l'objet d'un chapitre de ce rapport,
nous relevons seulement, à ce stade, qu'il agissait indépendamment de
tout organisme. Il n'était pas membre du Comité anti-G8. Celui-ci, dans
les négociations avec les autorités, a demandé qu'il soit reconnu comme
acteur autorisé à requérir et recevoir des informations de la police,
sous la dénomination de "permanence juridique".

Le centre de convergence

Il émanait du Comité vaudois anti-G8. Il a été mis en place avec
difficulté. En effet, le retrait total des acteurs/trices
institutionnel-le-s a rendu difficile la recherche d'un local. C'est
finalement une petite association de quartier qui a mis à disposition une
pièce de son centre socio-culturel. Le modeste équipement en moyens
technologiques, notamment la faible disponibilité en lignes
téléphoniques, a passablement entravé le fonctionnement du centre de
convergence. Au surplus, le local a été cambriolé dans la nuit du 29 au
30 mai. La police a montré très peu d'empressement pour en trouver les
auteur-e-s, dont on ignore toujours l'identité. Compte tenu de toutes ces
vicissitudes, le contact entre le gar et le centre de convergence n'a pas
toujours été aisé.

Le groupe média

Un groupe média s'est constitué pour récolter et diffuser l'information
relative aux mobilisations.

Le protocole d'accord

Les négociations entre le Comité vaudois anti-G8 d'une part, les
autorités et polices vaudoises et lausannoises d'autre part, ont abouti à
la signature d'un protocole d'accord (en annexe) qui explicitait les
engagements de chacune des parties dans le cadre des mobilisations
anti-G8. Relevons que, malgré qu'il fût mentionné au cours des
négociations, le gar, désigné dans ce document sous l'appellation de
"structure juridique du Comité anti-G8", n'a pas été reconnu comme acteur
ayant un accès facilité aux informations de police. Les autorités étaient
représentées par J.-C. Mermoud, conseiller d'Etat du canton de Vaud
chargé de la police, A. Bergonzoli, représentant de la police vaudoise,
D. Brélaz, syndic de Lausanne, G. Hagenlocher, chef de la police
communale de Lausanne, J.-P. Hocké, médiateur nommé par les autorités,
des
représentants de la protection civile. On remarquera la superposition de
corps de police. Il n'est pas inutile de rappeler que le G8 s'est déroulé
alors que la "guerre des polices" faisait rage (et ce n'est pas fini). En
effet, la réforme "police 2000" prévoit une nouvelle définition des
compétences respectives des polices cantonale et communale. Or, il n'est
pas impossible que l'une comme l'autre institution ait utilisé le G8 pour
légitimer son existence et que cet élément ait contribué à la surenchère
sécuritaire à Lausanne.

Les dispositifs de sécurité

Compte tenu du climat décrit plus haut, le décor était dressé pour rendre
légitime tout un arsenal sécuritaire ainsi que les coûts que cela allait
engendrer. Parmi toutes les mesures prises, ont été officiellement
annoncées les suivantes:
· Fermeture complète d'une zone autour des hôtels logeant les
délégations, allant de l'Hôtel Beau Rivage au débarcadère d'Ouchy,
jusqu'au chantier naval de la Compagnie générale de navigation. Les
habitant-e-s de cette zone rouge ne pouvaient y pénétrer que s'ils/elles
étaient muni-e-s d'un badge. Toute manifestation y était strictement
interdite, la sécurité était assurée notamment par les polices cantonale
et lausannoise.
· Création d'une zone jaune autour de la zone rouge, à l'intérieur de
laquelle il était interdit de manifester.
· Mobilisation de 630 militaires dans le cadre de la surveillance, des
transports, de la logistique, de l'appui aux gardes-frontière et du
montage des dispositifs de sécurité d'Ouchy. Plusieurs sites du canton
étaient répertoriés comme "cibles potentielles d'actes de malveillance"
et mis sous leur surveillance.
· Renforts de 864 policiers/ères de la Confédération et 106
policiers/ères allemand-e-s aux 362 policiers/ères vaudois-es et
lausannois-e-s qui suivirent un entraînement spécial pour l'occasion.
· Acquisition de nouvelles tenues antiémeutes.

Ces différents éléments figurent dans le Rapport final du Conseil d'Etat1
(en annexe). Mais, notons que le G8 a donc constitué pour la police une
aubaine inespérée pour acquérir un nouvel équipement, fort coûteux sans
que ni l'utilité, ni les risques de certaines armes, ni les coûts ne
soient discutés publiquement, hormis par les milieux militants. Par
ailleurs, la police put également profiter de la logistique que l'armée,
qui était présente sur terre, dans les airs et sur le lac, mit à sa
disposition pour surveiller (ficher) les manifestant-e-s (des
hélicoptères notamment).
A l'arrivée des manifestant-e-s, le dispositif de sécurité - grappes
d'antiémeutes pavoisant dans leur nouvelle garde-robe à tous les coins de
rue et devant chaque porte de banques du c?ur de la ville, barrages et
barbelés autour de la zone rouge - était installé et bien visible. Face à
cette mise en scène alarmiste, seuls quelques commerçant-e-s du centre,
les moins paranoïaques ou les moins fortuné-e-s n'avaient pas dressé de
palissade devant leur vitrine.

Le GAR

Le Groupe antirépression (gar) de Lausanne tel qu'il existe encore
aujourd'hui s'est constitué en vue de mettre sur pied une permanence
téléphonique en quatre langues durant le G8 qui permette de centraliser
les informations sur la répression et d'aider les manifestant-e-s à
défendre leurs droits. Il n'est toutefois pas né ex-nihilo. Il existait
déjà un gar qui offrait du soutien en cas de répression liée à des
actions politiques au niveau local, dont une partie des personnes actives
dans le gar au moment du G8 faisait déjà partie. Il a également bénéficié
des liens existant avec les antirép alémaniques et tessinoise qui ont une
grande pratique en la matière. Ces dernières ont apporté leur aide avant
le sommet, notamment par la traduction et la diffusion de matériel dans
les milieux alternatifs et militants de leur région. Durant les
mobilisations, elles se sont chargées de la ligne de téléphone en
allemand.
Comme les néophytes que nous étions l'avons rapidement constaté, la mise
sur pied d'une permanence antirép dans le cadre de mobilisations
internationales n'est pas une mince affaire et celle-ci a exigé de long
préparatifs.
Il a fallu mobiliser un très grand nombre de personnes et en premier lieu
trouver suffisamment de militant-e-s prêt-e-s à répondre au téléphone et
à assurer un tournus sur plus d'une semaine. Un groupe de
facilitateurs/trices composé de personnalités politiques locales a été
mis en place. Le gar attendait de ce groupe qu'il intervienne lors de
tout incident entre la police et les manifestant-e-s ou
organisateurs/trices, lors de recherches de personnes arrêtées, en cas de
dérapages de la police, en cas de restriction à la libre-circulation des
manifestant-e-s, en cas d'interrogatoires à l'hôpital, etc. La recherche
d'avocat-e-s prêt-e-s à prendre la défense des manifestant-e-s en cas de
démêlés avec la police et la justice a été laborieuse. En tout et pour
tout, seul-e-s trois avocat-e-s ont accepté d'apporter leur
collaboration. Le gar a également pris des contacts avec une médecin
prête à soigner les manifestant-e-s blessé-e-s qui souhaitaient éviter de
se rendre à l'hôpital et avec une professionnelle qui a accepté de faire
des séances de débriefing. Cette personne a également animé une séance
avec celles et ceux qui allaient tenir la permanence pour leur donner une
mini-formation sur le débriefing.Du point de vue de l'infrastructure, la plus grande difficulté a été de
trouver un local. En effet, suite au retrait de certain-e-s membres du
POP, du PSV et du PSL du Comité anti-G8, le gar s'est vu refuser un local
à la Maison du peuple. Le SIB et la FTMH, à qui le gar avait également
fait une demande, n'ont même pas répondu. Finalement, le gar s'est
adressé à une association locale qui a accepté de prêter ses locaux à
Lausanne. Le lieu trouvé et les personnes mobilisées, il ne restait plus
qu'à se mettre à la tâche. La brochure Vos droits face à la police a été
rééditée et diffusée et un tract d'informations rappelant les droits
essentiels des manifestant-e-s (avec les numéros de téléphone de la
permanence téléphonique) a été élaboré et traduit en plusieurs langues. Il
a été distribué à plusieurs reprises et notamment diffusé dans les
villagesavant les mobilisations.
Au niveau des préparatifs, signalons encore que le gar, qui n'était pas
présent en tant que tel lors des négociations entre le Comité anti-G8 et
les autorités, a pu néanmoins obtenir les numéros de téléphone directs de
la police qu'avaient les observateurs/trices.

Concrètement pendant le G8, les activités de la permanence en fonction
depuis le 27 mai 2003 ont été les suivantes: nous avons tenu à jour dans
la mesure du possible les coordonnées des personnes arrêtées, disparues
et blessées, en fonction des appels téléphoniques afin de pouvoir donner
des informations sur leur sort aux personnes qui les avaient perdues de
vue, aux différents villages et aux permanences anti-répression (voir le
chapitre Panorama lémanique). Il s'agissait également de garder une trace
des personnes arrêtées afin de pouvoir leur apporter un soutien juridique
et militant dès que possible. Le gar a aussi recueilli des témoignages
sur les violences policières durant les manifestations et actions.
C'est évidemment durant la journée du dimanche que la permanence a été le
plus sollicitée, le matin, suite aux violences policières commises durant
les blocages de Lausanne et l'après-midi, pendant les arrestations
massives de la Bourdonnette (voir la chronologie des événements). Durant
la journée du dimanche, une quinzaine de militant-e-s ont été
mobilisé-e-s pour répondre aux appels adressés à la permanence. Par
ailleurs, la nuit de samedi à dimanche et celle de dimanche à lundi,
trois personnes sont restées de piquet sur place afin de répondre aux cas
urgents.
A plusieurs reprises, les permanent-e-s ont essayé d'obtenir des
renseignements de la police. En jouant sur un certain flou et non sans
peine, le gar a pu obtenir quelques informations au compte-goutte sur des
personnes arrêtées. Par contre, le gar n'a jamais eu accès à une liste
des personnes en détention. Les observateurs/trices n'ont pas non plus
obtenu ce document, alors que cela figurait parmi les engagements de la
police. Mentionnons encore que dans l'après-midi du dimanche 1er juin,
suite aux arrestations de la Bourdonnette (voir chapitre Chronologie des
événements), une personne du gar a pu se rendre au Centre de détention de
la police cantonale.

Le travail du gar ne s'est pas arrêté avec la fin des mobilisations
contre le G8. Il a fallu trier et organiser les témoignages reçus,
s'assurer que toutes les personnes arrêtées soient relâchées et que
toutes les personnes qui avaient disparu aient réapparu. Une aide a été
donnée aux personnes qui ont été inculpées et/ou qui ont subi des
violences policières (conseils, mises en contact avec les avocats, etc.).
Le soutien se poursuit encore. Le gar a en outre participé une conférence
de presse organisée au mois de septembre à Berne par les antirép
alémaniques,notamment bernoise. Les articles qui ont été publiés suite à celle-ci ont
été plus que décevants, voire scandaleux.
Par ailleurs, à côté des activités liées au G8, le gar a notamment mis
sur pied plusieurs permanences durant des manifestations à Lausanne et il
a collaboré aux permanences antirépression nationales, par exemple durant
le WEF. Actuellement le gar se mobilise sur toutes les questions de
répression et participe aux mobilisations qui s'organisent sur cette
question au niveau national.

Bilan de la permanence antirépression G8 - 2003 Evian (2)

Jeudi 22 mai 2003
· Vers 14 heures une personne est interpellée par deux policiers
lausannois près d'Ouchy, alors qu'elle est en train de filmer et de
photographier la zone rouge. Les policiers lui interdisent de filmer, la
personne est fouillée.
· Deux personnes sont interpellées à Ouchy et sont informées que leur
séjour est illégal en Suisse. Elles ont jusqu'au 27 mai 2003 pour quitter
le pays. Ces personnes n'avaient pas subi de contrôle à la frontière et
étaient donc dans l'impossibilité de savoir que leur séjour était
illégal.

Samedi 24 mai 2003

Pendant la nuit, le Puits (lieu autogéré) est cambriolé, du matériel
disparaît. La même nuit, un camion, contenant également du matériel, est
embarqué par la police car il est parqué sur une zone de stationnement
interdite.
Les téléphones en allemand et en français de la permanence antirépression
sont mis en fonction.
A la suite de la dissolution du collectif «Oulala c'village», des
personnes occupent le terrain de Dorigny au bord du lac et mettent en
place, sans autorisation, une tente d'information, une cuisine, un bar,
une scène. Ils/elles se donnent une nouvelle dénomination, «Où ce k'il
est c'village».

Dimanche 25 mai 2003

Le nouveau collectif «Où ce k'il est c'village» négocie avec
l'Université, l'EPFL et les autorités politiques. Ces dernières acceptent
un espace «forum» durant la journée (conférences, discussions, ateliers,
concerts, etc.). Par contre, les manifestant-e-s ne seront pas
autorisé-e-s à camper à l'espace forum. Les autorités menacent de faire
évacuer le site par les forces de l'ordre si cette consigne n'est pas
respectée. Seul-e-s les organisateurs/trices du forum peuvent installer
leurs tentes à proximité. D'autres conditions sont imposées à «Où ce k'il
est c'village»: les banderoles posées au bord de la route doivent être
retirées, l'espace où il est possible de dormir doit être délimité,
l'installation de toute tente supplémentaire du forum doit être négociée
avec les autorités.

Lundi 26 mai 2003

Environ 150 gymnasien-ne-s se rassemblent à 16 h 30 au parc de Mon-Repos
afin de manifester contre le G8. C'est la première manifestation à
Lausanne depuis le 1er mai. L'ambiance est très tranquille et aucun
slogan n'est scandé. Par contre, la ville est envahie de policiers/ères
antiémeute (du jamais vu). La manifestation est infiltrée de
policiers/ères en civil. Cela donne un avant-goût du dispositif
sécuritaire préparé pour les jours à venir.

· A 19 heures, la manifestation se dissout à la place du Château. A 19 h
20, deux personnes sont arrêtées devant l'hôtel de police. Raison
invoquée: «arrestation préventive» (après la manif?). Selon la police,
ces personnes auraient eu un comportement suspect.

Mardi 27 mai 2003

Les quatre numéros de téléphones (en français, allemand, italien,
anglais) de la permanence anti-répression sont mis en fonction.
Les autorités imposent de nouvelles conditions aux occupant-e-s de
Dorigny: renoncer au terme «village«» et cesser de coller des
autocollants appelant à camper à Dorigny. Ces conditions sont
remplies par le collectif qui se rebaptise «Oulala c'forum».
Les hélicoptères continuent à survoler régulièrement le camping.
Comme l'installation de tentes se poursuit à Dorigny, les pressions
policières et politiques augmentent. Face aux risques d'une intervention
policière durant la nuit, un appel sur Indymedia invite les
manifestant-e-s à s'installer à la Bourdonnette, camping officiel.
L'intensité de la menace policière diminue.

Mercredi 28 mai 2003

· Deux personnes, arrêtées à Davos en 2003 dans le cadre des
mobilisations contre le WEF, se voient refuser le droit d'entrer en
Suisse à la douane de Genève. Elles ont l'interdiction de séjourner en
Suisse jusqu'au 5 juin 2003. La décision d'interdiction de séjour porte
la date du 3 mai 2003. · Une autre personne venant d'Allemagne se voit
refuser le droit d'entrer en Suisse. Si elle enfreint cette interdiction,
elle risque 6 mois d'emprisonnement ou Fr. 10'000.- d'amende. Elle a
déposé un recours contre cette décision. La seule infraction que cette
personne avait commise en Suisse était d'avoir utilisé un transport
public sans titre de voyage valable, ce qui lui avait valu une amende de
Fr. 60.-.

Environ une trentaine de personnes du «Pink and Silver Bloc» manifestent
vers 16 heures au centre ville. Beaucoup de policiers/ères en civil sont
présent-e-s.
Au camping de Dorigny de nouveaux/elles arrivant-e-s installent leurs
tentes au bord du lac. Les autorités politiques et policières
renouvellent les pressions.

Jeudi 29 mai 2003

Le matin, une caravane à vélo composée d'environ 200 participant-e-s
quitte Berne, à destination de Lausanne, en passant par Fribourg, la
région de la Gruyère, Vevey.
A 13 heures, des trains en provenance de Suisse allemande sont attendus à
Lausanne par une centaine d'antiémeutes. Ceux-ci évacuent le quai de la
gare et se mettent en ligne parallèlement aux voies de chemin de fer. La
situation est très tendue. Selon la police, les passagers/ères auraient
commis de très graves déprédations dans les wagons. Après négo-ciations,
les antiémeutes quittent le quai de la gare.
Vers 13 h 40, une centaine de personnes en provenance de Bâle et de
Zurich arrivent à Lausanne. Après l'arrivée d'un autre train occupé par
environ 300 manifestant-e-s de Berne, un petit cortège se forme en
direction du parc de Milan, où les manifestant-e-s attendent pendant
environ une heure les bus qui les conduiront au camping de la
Bourdonnette.
Dès 17 h 30, les manifestant-e-s se rassemblent à Bellerive en vue de la
manifestation autorisée. 2500 à 3000 personnes selon les
observatrices/eurs et la police, environ 10'000 selon les
organisateurs/trices avancent sous une pluie battante. La présence de
policiers/ères en civil est très importante. Le cortège monte vers le
centre ville dans une ambiance festive. A la place Chauderon, des
antiémeutes sont visibles: ils/elles se placent devant la Banque
cantonale vaudoise. Des grenades lacrymogènes sont tirées et des
manifestant-e-s lancent quelques projectiles; cet échange de peu
d'importance est couvert par 30 à 50 journalistes. Les apparitions
ultérieures de la police donnent lieu à de petites confrontations.
A 19 h 30, la manifestation se termine à la place de la Riponne où une
fête est organisée.
A 21 h 55, la porte d'entrée latérale de l'Hôtel de ville, situé à 100
mètres de la place de la Riponne, brûle à cause, semble-t-il, d'un court
circuit électrique. Le jour suivant, les médias écrivent qu'on ne peut
exclure que des militants anti-mondialistes soient à l'origine de
l'incendie.
Le Centre de convergence se fait également cambrioler. Un fax,
appartenant au Groupe média, ainsi qu'un disque dur appartenant à
l?association qui hébergeait le groupe disparaissent. La police refuse de
prendre les empreintes digitales sur le cadre extérieur de la fenêtre,
arguant qu'il y en a trop.

Vendredi 30 mai 2003

· Une fois la fête terminée, deux personnes sont arrêtées à 1 h 30 sur la
place de la Riponne.
· Vers 14 heures les cyclistes en provenance de Berne et de Lausanne se
retrouvent à Vevey. Entre 300 et 500 personnes occupent le grand
carrefour situé devant le bâtiment Nestlé.
· A 13 h 50, une personne mineure est arrêtée à la gare de Vevey par deux
policiers en civil. Elle porte sur elle un canif, des lunettes de
protection, ainsi que des fusées de fabrication artisanale. Tout lui sera
rendu sauf son téléphone portable. Une enquête est ouverte par le juge
d'instruction.

A 19 heures, la caravane arrive à la place Chauderon à Lausanne et
continue jusqu'à la Bourdonnette.

Samedi 31 mai 2003

Durant l'après-midi, environ 380 militant-e-s arrivent à la gare de
Lausanne. Ils/elles seront conduit-e-s en bus à la Bourdonnette. Au Forum
de Dorigny, une rumeur circule selon laquelle les nouveaux/elles
arrivé-e-s se sont fait encercler et arrêter par la police. Il s'agira
d'une fausse alerte.
Vers 18 heures, entre 200 et 300 personnes se rassemblent à la gare.
Elles manifestent à travers la ville, le long de la zone jaune et
retournent au camp. La manifestation se déroule sans autorisation. La
présence policière est importante.
Dans le cadre de la manifestation «Feux au lac» autour d'Evian, le soir
le feu officiel est allumé à Lausanne par les pompiers. La présence
policière est également importante.

Dimanche 1er juin 2003

· Une personne (interpellée deux fois à Gênes en 2001) est arrêtée, alors
qu'elle circule en voiture à Lausanne. Les autres passagers/ères sont
simplement contrôlé-e-s.
· Deux personnes sont arrêtées, alors qu'elles effectuent des sprayages
sur la façade du consulat de France. Elles sont détenues toute la nuit et
relâchées en début d'après-midi. Une enquête pour dommage à la propriété
est ouverte. Elle se conclura par un non-lieu: le propriétaire retirera
sa plainte après paiement des frais de nettoyage, soit Fr. 100.-.

Premier blocage d'autoroute à Morges

A Morges, une action de blocage est menée à un endroit où les voies de
l'autoroute, de la route cantonale et des chemins de fer sont très
proches les unes des autres.
· Une femme est arrêtée durant cette action. Le soir, elle est transférée
du centre de la Blécherette à la prison pour femmes de la Tuillère. Le 4
juin, son avocate déposera une demande de libération qui sera accordée
par le juge. A 17 h 30, elle pourra quitter la prison. Une procédure
pénale pour entrave à la circulation publique est ouverte. L'activiste
sera condamnée à une peine de 45 jours de prison avec trois ans de
sursis. Le jugement sur recours aura lieu à Morges le 26 janvier 2004. La
peine sera réduite à 20 jours de prison avec deux ans de sursis.

Deuxieme blocage d'autouroute à Aubonne

Sur cette même autoroute, des activistes organisent un blocage sur le
pont de l'Aubonne, haut de plus de 20 mètres. Deux activistes se
suspendent à chaque extrémité d'une corde de grimpe qui traverse
l'autoroute. Sur le pont, la visibilité et le blocage des voies sont
assurés par plusieurs personnes avec des banderoles. Un policier coupe
alors la corde à laquelle sont accroché-e-s les deux activistes. L'un,
Martin Shaw, tombe dans la rivière et se blesse grièvement. La chute lui
vaudra une longue
hospitalisation au CHUV et il n'est pas certain qu'il se remettra un jour
de ses blessures. L'activiste suspendue à l'autre bout de la corde,
Gesine, est retenue par les autres manifestant-e-s et peut remonter.
Néanmoins, elle restera traumatisée.
· Hormis deux personnes hospitalisées, treize personnes sont contrôlées,
six sont arrêtées. Elles doivent donner leurs empreintes digitales et
sont photographiées. Elles sont relâchées après dix heures de détention.
Trois autres personnes sont arrêtées, mais ne font pas l'objet d'une
enquête à notre connaissance. Une procédure contre les deux personnes
hospitalisées et les six arrêtées est ouverte pour entrave à la
circulation publique et mise en danger de la vie des automobilistes. Les
huit seront condamné-e-s à des peines de 15 jours d'emprisonnement avec
deux ans de sursis, ainsi qu'à Fr. 420.- chacun-e de frais. Trois
personnes ont fait appel: Gesine, Martin et un activiste resté sur le
pont. Ils/elle seront jugé-e-s le 28 juin 2004 à Nyon. Ces mêmes
personnes ont déposé plainte contre la police. L'enquête est toujours en
cours et avance très lentement. Le policier qui a coupé la corde est
identifié, mais ni lui, ni ses supérieur-e-s ne sont inculpé-e-s.

Les blocages de Lausanne

Dès 6 h 30, des blocages s'organisent à Lausanne. Les manifestant-e-s se
décrivent comme appartenant à trois groupes distincts mais solidaires:
les «Pink and Silver Bloc, Samba-Band», les «Anthracit Bloc» et un groupe
constitué de personnes à vélo. Ils partent du camping de la Bourdonnette.
Ils visent à perturber l'arrivée de délégations au débarcadère de
Lausanne en investissant les carrefours stratégiques du bas de la ville,
placés en zone jaune. Par ailleurs, une partie de la «Caravane à vélo»
bloquera l'autoroute de Lausanne-Sud.
Une partie des blocages ont lieu sur le mode festif et ludique, l'autre
par la mise en place de barricades.
La police n'intervient pas immédiatement et donne l'apparence, peu
crédible, d'avoir été prise par surprise. Le dispositif policier comprend
des agent-e-s en tenue antiémeutes, des canons à eau et toute la panoplie
des armes dites non létales: gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes
(utilisées pour la première fois en Suisse romande), balles en
caouthcouc, matraques, spray au poivre. La zone est survolée par des
hélicoptères militaires. Des témoignages laissent en plus supposer
l'utilisation de balles colorantes.
Les armes sont largement utilisées par la police, à tort et à travers,
voire sans respect des normes qui les régissent. Selon les nombreux
témoignages, ceci a occasionné passablement d'atteintes à
l'intégrité de manifestant-e-s et passant-e-s et des arrestations, que
nous énumérons ci-dessous.
· Un cycliste se fait renverser par un camion militaire roulant beaucoup
trop vite. Le vélo est cassé et le cycliste légèrement blessé à la jambe.
· Une personne s'effondre dans un nuage de gaz lacrymogène et est arrêtée
par la police.
· Une femme et un homme s'effondrent en état de choc.
· Un homme est blessé par un coup de matraque à la jambe.
· Un autre homme est touché par une balle en caoutchouc tirée à 2 m de
distance. Il présente de forts saignements et est évacué en ambulance. ·
Une femme saigne fortement à la jambe, elle est également transportée en
ambulance.
· Une personne s'effondre après avoir été atteinte à la tête par un
lacrymogène. Les médics veulent la secourir et sont chassé-e-s par des
policiers/ères à coups de matraque. Les médics sont poursuivi-e-s de
manière ciblée. Deux autres personnes sont arrêtées.
· Une jeune femme a des difficultés respiratoires et n'arrive plus à
bouger. Sa peau est rougeâtre.
· Un autre manifestant est arrêté.
· Plusieurs brûlures aux bras et aux jambes sont causées par des gaz
lacrymogènes et des grenades. Une femme est blessée à la jambe gauche. Le
personnel du CHUV l'interrogera sur la manifestation. Elle demandera et
obtiendra un constat médical et une attestation d'incapacité de travail.
Elle déposera plainte le 1er septembre 2003. L'enquête est toujours en
cours, les policiers/ères ne sont toujours pas identifié-e-s.
· Une personne qui avait déjà des béquilles avant la manifestation est
atteinte à la jambe par une grenade lacrymogène. La jambe et la cuisse
sont gravement brûlées, elle est jetée contre un mur. Elle peut s'enfuir
grâce à l'aide d'une medics.
· Une femme enceinte est attaquée de manière ciblée par des grenades
assourdissantes et s'effondre. Elle est brutalement arrêtée par trois
policiers/ères.
· Une grenade assourdissante explose sous une poussette (la famille n'a
pas participé à la manifestation). L'enfant d'un an et demi doit être
hospitalisé-e.
· Une personne est frappée brutalement par des policiers/ères. En plus
des coups de pied et poing dans le dos, sur les jambes et les pieds, elle
reçoit notamment trois coups de poing à l'oeil droit et des coups de
matraque. Lors de son arrestation, elle saigne fortement. Elle passera
dix jours en prison, soit jusqu'au 10 juin 2003, sans soins adéquats et
sans pouvoir obtenir un constat médical. A sa sortie de prison, elle
devra subir une intervention chirurgicale. Une enquête a été ouverte
contre cette personne pour «émeute, violence et menace contre les
autorités et les fonctionnaires, entrave à la circulation publique».
L'ordonnance de condamnation la déclare coupable d'émeute, mais l'exempte
de toute peine en raison de l'importante lésion de l'?il droit qu'elle a
subie lors de son arrestation. Le non-lieu est prononcé pour les autres
charges. Le juge a en outre ordonné la confiscation et la destruction des
deux couteaux suisses et de la cagoule appartenant à cette personne. Les
frais de l'enquête, qui se montent à Fr. 2'151.- en raison de la longue
détention, sont mis à la charge de la personne condamnée. Celle-ci a
déposé plainte contre la police le 27 août 2003. L'enquête est toujours
en cours, les policiers responsables des blessures sont identifiés.
· Une autre personne est également arrêtée. Apparemment, elle s'est
blessée en tombant lors de son arrestation. Elle a un large hématome.
Elle n'a été libérée que le vendredi 13 juin 2003.
· Suite à la détonation d'une grenade assourdissante à un mètre d'elle,
une personne a une perte importante d'acuité auditive. Elle souffre
également d'acouphènes. Le 7 juin elle souffre encore d'une perte
d'audition résiduelle.
· Nombre de personnes se plaignent encore plusieurs jours après la
manifestation de maux de tête et de bruits dans les oreilles dus aux
grenades assourdissantes.
· Au moment où la police charge la manifestation à coups de gaz
lacrymogènes et coups de matraque, deux personnes sont arrêtées.
· Une personne ayant quitté la manifestation dès les premières
confrontations avec la police se retrouve à l'avenue de Cour et s'adresse
aux forces de l'ordre pour savoir comment rejoindre le centre ville et
donc quitter la manifestation. A chaque fois, les policiers-ères lui
conseillent de partir vers la Maladière, alors qu'ils sont en train de
repousser tou-te-s les manifestant-e-s dans cette direction. A la
Maladière, elle redemande comment elle peut se rendre «pacifiquement» au
centre ville. Là, la police lui conseille de partir vers la Bourdonnette.
Elle se fait rejoindre par le cortège et se retrouve au milieu des
grenades lacrymogènes et assourdissantes. Elle essaie alors de quitter la
manifestation en avançant vers le cordon antiémeutes, les mains en l'air.
Les policiers/ères la laissent passer, mais elle se fait ensuite
interpeller par deux agents bernois qui procèdent à une fouille complète.
· Un cycliste bloque un camion militaire au giratoire de la Maladière. Un
policier descend du camion et le frappe avec une matraque.
· Plusieurs personnes sont chargées à coups de gaz lacrymogènes et de
grenades assourdissantes dans les passages sous-voies du giratoire de la
Maladière, alors qu'elles souhaitent se distancer de la manifestation. ·
Finalement, le cortège des manifestant-e-s sera conduit par la police
vers le camping de la Bourdonnette, à coups de gaz lacrymogènes et de
grenades assourdissantes. Des renforts de police arrivent, comprenant des
policiers/ères allemand-e-s.

Encerclement et arrestations

au camping de la Bourdonnette
Après avoir repoussé les manifestant-e-s au camping de la Bourdonnette,
la police organise le siège du lieu, dès 12 h 30: ses issues sont
bloquées et toutes les personnes présentes, qu'elles aient participé à la
manifestation ou non, sont empêchées de quitter l'emplacement. La police
annonce son intention de procéder à un contrôle d'identité. Elle ne
s'exprime qu'en français; les personnes encerclées tentent d'assurer
elles-mêmes une traduction sommaire, afin d'éviter l'amplification d'un
mouvement de panique naissant. Par ailleurs, elle fouille toutes les
tentes des campeurs/euses. Les personnes encerclées refusent de se
soumettre à un contrôle systématique d'identité, d'autant plus que
quelques-unes d'entre elles ne portent pas leurs documents d'identité sur
elles. La police déclenche alors une vaste opération d'arrestations, qui
durera environ cinq heures et se déroulera dans des conditions non
conformes aux droits humains: les personnes encerclées demeureront sous
un soleil tapant, sans nourriture, avec un approvisionnement difficile en
eau, sans accès à une assistance médicale, sans accès aux médicaments
personnels, limitées dans l'utilisation des sanitaires. Relevons
notamment qu'une femme victime d'un malaise n'a pu être secourue qu'à la
suite de l'insistance d'une députée sur place; qu'une femme a dû uriner
en plein air sous le regard de policiers mâles; que les personnes
encerclées doivent au surplus subir les railleries et provocations de
policiers/ères (par exemple: «vous avez faim, alors vous n'avez qu'à
boire de l'eau»). Selon des témoignages, la police vaudoise sera secondée
dans cette opération par des détachements des polices bâloise, bernoise,
genevoise. Vers 13 h 30, la police commence à emmener des personnes
encerclées, dont quelques-unes suivent, d'autres opposent une résistance
passive. De nombreuses violences sont perpétrées par les forces de
l'ordre dans cette phase de l'opération, notamment à l'endroit des
personnes qui se sont exprimées au mégaphone:
· sont utilisés de gestes tels que clés de bras, clés d'étranglement,
coups, introduction de doigts dans les yeux, les oreilles, le nez; · il
est fait usage de matraques pour séparer des personnes qui se tiennent
par les bras;
· des personnes sont traînées par terre, par les cheveux, par les pieds
ou saisies par le cou;
· des personnes déjà à terre sont assaillies par plusieurs policiers/ères
qui s'acharnent sur elles;
· toutes les personnes sont menottées, dont certaines de façon très
douloureuse car trop serrée.
· A titre d'exemple, une femme est portée par la police et ensuite lâchée
violemment à terre. Elle est victime d'une crise de spasmophilie. Après
avoir passé une heure et demie dans la tente médicale, elle sera arrêtée
et emmenée au centre de détention. A sa libération, l'examen médical
révélera une fissure du coccyx.

Progressivement, des intervenant-e-s extérieur-e-s affluent sur place, à
la demande de personnes encerclées et du groupe antirépression: d'abord
une députée, puis des membres du Comité vaudois anti-G8, Luc Recordon
(responsable des observateurs/trices), le Legal Team Europe. La députée
témoigne des agissements auxquels elle a assisté, en considérant que
l'intervention de la police est inadéquate, disproportionnée et de
surcroît ridicule. M. Recordon pense pour sa part que, d'après ses
observations, il n'y a pas à protester. Enfin, le Legal Team Europe
arrive sur place à 16 h 15, en provenance de Genève: ses membres
interviennent énergiquement auprès des responsables de police, afin de
faire cesser ce qu'ils/elles considèrent comme une intervention illégale
et totalement disproportionnée.
Petit à petit, très lentement, la police emmène des groupes de personnes
menottées dans ses fourgons, vers les centres de détention prévus à cet
effet dans un abri de protection civile et au centre de la police
cantonale, tous les deux situés au Mont-sur-Lausanne. A 17 h 45, après
avoir procédé à 312 arrestations (selon le gar), la police lève le siège
du camping de la Bourdonnette et abandonne sa volonté d'emmener toutes
les personnes présentes, sans explications.

Aux centres de détention

La détention et le contrôle des personnes emmenées par la police posera
des questions à plusieurs titres.
Du point de vue des violations de la légalité, la police a:
· procédé à des prises d'empreintes et de photos, sans qu'il y ait
ouverture d'enquête et sans répondre aux demandes de restitution au
moment de la libération;
· refusé d'établir un inventaire complet des affaires saisies;
· privé les mineur-e-s du droit d'avertir leurs parents;
· omis d'informer les personnes sur le motif de leur détention;
· abusé de son pouvoir en menaçant une personne de prolonger sa détention
à trois jours si elle demandait une traduction et une autre de prolonger
sa détention si elle insistait à poser des questions sur le sort des
autres détenu-e-s.
Notons en outre que la police n'a pas autorisé les détenu-e-s à contacter
le gar.

Du point de vue des conditions générales de détention, les traitements
dégradants et non conformes aux droits humains ont été systématiques. Les
détenu-e-s ont été:
· gardé-e-s pendant des heures dans des cellules ou locaux trop petits
(par exemple, 50 personnes enfermées dans une cellule d'environ 20 m2),
dans des fourgons, dans des souterrains mal aérés;
· gardé-e-s pendant des heures sans assistance et sans réponse des
gardien-ne-s;
· privé de nourriture et d'eau;
· limité-e-s dans leur accès aux sanitaires;
· empêché-e-s d'accéder à quelque soin que ce soit.

Du point de vue des mauvais traitements, la police a:
· proféré des insultes, notamment racistes;
· infligé des coups entraînant des blessures (par exemple, coups de
matraque sur le sexe d'un homme);
· forcé des femmes à uriner sous le regard d'hommes;
· infligé des humiliations (par exemple, elle n'a pas rendu le pantalon
d'une personne qu'elle avait forcée à se déshabiller et qui a dû attendre
des heures en caleçon).
· Les détentu-e-s de la Bourdonette ont tou-te-s été libéré-e-s entre le
1er juin à 18 heures à et le 2 juin à 12 h 30.

Autres événements

Durant l'encerclement et les arrestations au camping de la Bourdonette,
10 policiers/ères investissent «Oulala c'forum». Trois personnes sont
arrêtées.
Dans la matinée, la police communique l'interdiction de la manifestation
prévue pour l'après-midi par le Comité vaudois anti-G8 et préalablement
autorisée. Cette communication est ensuite confirmée par le pouvoir
politique. Suite à des négociations, les autorités autorisent un
rassemblement mais maintiennent l'interdiciton d'un défilé. Néanmoins,
environ 5000 personnes se rassemblent au Parc de Milan et partent en
cortège en direction de Bellerive, puis, pour une partie, à la
Bourdonnette. La police n'intervient pas.
A 18 h 30, un train en provenance de Genève arrive à Berne. La police
bloque toutes les sorties. 36 personnes sont arrêtées.
A Zurich également, les manifestant-e-s sont attendu-e-s par un
déploiement important de policiers/ères.

Lundi 2 juin 2003

A 19 heures, sept personnes sont interpellées lors d'un contrôle routier,
apparemment en raison d'une confusion. Elles seront libérées à 1 h 30.

Mardi 3 juin 2003

A 2 h 40, deux personnes passent la frontière en voiture à Vallorbe en
direction de la France. Elles sont alors fouillées, retenues longtemps
sans raison et victimes d'intimidations. Un soldat avec un fusil se place
devant leur voiture. La douane française est informée et la même
procédure se répète. Cela dure environ deux heures.
A 8 h 15, la police lausannoise procède au contrôle de l'identité d'une
quinzaine de personnes, encore endormies au camping de la Bourdonnette.
Cela provoque un incident diplomatique, le camping se situe sur le
territoire de la commune voisine, qui ne saurait tolérer l'intrusion
lausannoise.
Une personne est arrêtée brutalement alors qu'elle refuse de donner son
identité. Elle est relâchée après avoir été contrôlée. Elle a un constat
médical.
Une manifestation contre la répression est organisée en solidarité avec
les personnes détenues à la prison du Bois-Mermet et des victimes de
l'action de la police sur le pont de l'Aubonne. Elle part du Grand-Pont à
10 heures. Beaucoup de policiers/ères sont présent-e-s et très
nerveux/ses. A la hauteur de l'Espace Autogéré, av. César-Roux, une
personne en train de sprayer est frappée à coups de matraque par des
policiers/ères. Sans logique apparente, la police canalise la
manifestation vers le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV),
les autres voies sont bloquées. A la rue du Bugnon, une personne est
jetée au sol par trois policiers alors qu'elle entend franchir le cordon
de police. A la hauteur du CHUV, la manifestation se fait encercler.
Après une heure, la police lève l'encerclement. La manifestation est
dissoute à l'Espace Autogéré. Une personne est arrêtée après la
manifestation et relâchée au bout de quelques heures.
Une personne est arrêtée à 14 h 30 à la Bourdonnette car elle a endommagé
une Mercedes sur le terrain de l'Université. Elle est relâchée à 18
heures. Le juge des mineurs ouvre une enquête pour dommages à la
propriété.

Mercredi 11 juin 2003

A 14 heures, une action est organisée par le gar. Elle se déroule devant
la prison du Bois-Mermet. Les manifestant-e-s revendiquent la libération
des personnes encore détenues et demandent de pouvoir avoir la liste de
toutes les personnes arrêtées et relâchées, conformément à l'engagement
de la police, qu'elle ne tiendra pas.

Vendredi 13 juin

Vers la fin de l'après-midi, la dernière personne est libérée.

Bilan

Bilan en chiffres

Au total, la permanence antirépression a répertorié 349 personnes
arrêtées durant la période du 22 mai au 3 juin. Parmi ces personnes, 19
sont mineures. 22 personnes ont fait l'objet d'une enquête. Parmi
celles-ci, 8 personnes sont liées à l'action de blocage autoroutier du
pont de l'Aubonne. Enfin, 5 personnes ont déposé des plaintes contre la
police.Ces chiffres se basent sur les témoignages recueillis par le gar. Ils
sont probablement en-dessous de la réalité, car toutes les personnes
concernées n'apportent pas leur témoignage.

Bilan juridique

Ci-dessous, nous présentons le résumé des qualifications juridiques
pouvant être retenues s'agissant des comportements des autorités lors des
manifestations du G8 à Lausanne, ainsi qu'un bilan des actions intentées
contre la police.

Violations de la liberté personnelle - Abus d'autorité -
Lésions corporelles -Insultes
Personnes interdites de filmer
Fouille dans la rue sans justification
Ordre de quitter la Suisse donné à des personnes qui n'ont pas subi de
contrôle à la frontière
Interdictions d'entrer en Suisse signifiées sur la base de «listes
noires» contenant des informations erronées
Plusieurs arrestations non justifiées, dont deux arrestations
«préventives» en l'absence de tout soupçon ou de tout délit.
Placement en détention préventive pour des délits mineurs, pour une durée
excessive: plus de 12 heures de détention pour de simples sprayages, les
auteurs ayant été arrêtés en flagrant délit, ayant admis les faits et
pouvant justifier de leur identité et d'une adresse fixe en Suisse. C'est
d'autant plus disproportionné que, vu les dégâts de peu d'importance, un
arrangement à l'amiable a pu être trouvé pour un retrait de plainte.Durée excessive de la détention préventive pour des personnes ayant été
arrêtées le 1er juin lors des manifestations du matin ou lors de
blocages: entre 4 et 10 jours de détention, alors que les faits sont
simples. Arrestations massives au camping de la Bourdonnette le 1er juin:
· personnes privées de liberté durant plus de 4 heures
· personnes emmenées à la police cantonale pour contrôle d'identité alors
qu'elles pouvaient se légitimer sur place
· mineur-e-s arrêté-e-s sans que les parents ne soient avertis
· insultes répétées contre des personnes arrêtées
· violences lorsque des personnes sont embarquées de force: clés de bras,
clés d'étranglement, menottes trop serrées, doigts introduits dans les
nez / yeux / oreilles, coup de poing,
· personnes portées puis brutalement lâchées à terre, le tout entraînant
des lésions corporelles
· refus de la police de donner accès aux soins durant plusieurs heures ·
lieu de détention non approprié: abri de protection civile équipé de
cages métalliques,
· personnes détenues en grand nombre dans un trop petit espace, personnes
placées dans des placards ou des armoires
· refus de laisser les personnes arrêtées contacter la permanence
juridique · aucune indication des motifs justifiant l'arrestation
· prise de matériel d'identification sans ouverture d'une enquête pénale
· 312 arrestations qui ne débouchent sur aucune procédure pénale ou
autre: elles doivent être assimilées à un contrôle d'identité, avec
recours à des moyens disproportionnés.
· mauvais traitements ou traitements dégradants: personnes empêchées de
boire tout en étant obligées de rester sur place au soleil, femmes devant
uriner sous le regard de policiers mâles.

Usage disproportionné de la force -
Abus d'autorité - Lésions corporelles
Interventions intempestives de policiers lourdement équipés («robocops»)
à la gare de Lausanne
Utilisation excessive de la force et des armes (grenades lacrymogènes ou
assourdissantes, matraques, coups de poing avec gants spéciaux renforcés)
lors des manifestations du dimanche matin:
· nombreuses lésions corporelles, dont certaines graves
· A noter le recours abusif aux grenades assourdissantes, qui ont
provoqué des brûlures, des pertes d'audition, des blessures graves aux
jambes, une déchirure de la rétine, ainsi que l'hospitalisation d'un
enfant de 1 an et demi.
· La police n'a pas apporté les secours nécessaires aux blessé-e-s ou a
empêché que de soins soient prodigués sur place.
· Des personnes ne présentant manifestement pas de danger particulier ont
été attaquées: une femme enceinte, un enfant dans une poussette.

Usage disproportionné de la force -
Mise en danger de la vie - Lésions corporelles -
Tentative d'homicide - Abus d'autorité - Insultes
Intervention catastrophique de la police lors d'un blocage de
l'autoroute, avec coupure d'une corde retenant deux personnes, entraînant
des lésions corporelles graves et une mise en danger de la vie, voire
tentative d'homicide; les autres participant-e-s ont également subi une
mise en danger de la vie, la police ayant fait circuler des voitures sur
l'autoroute en présence de nombreux/euses manifestant-e-s. Insultes
répétées de la part de la police.

Actions intentées contre la police

A notre connaissance, les 5 plaintes suivantes ont été déposées contre la
police:
· deux plaintes contre le policier qui a coupé la corde lors du blocage
autoroutier du pont de l'Aubonne et contre son commandement, ainsi que
contre l'intervention générale de la police dans ce cadre;
· une contre l'intervention des policiers/ères contre les activistes sur
le pont lors de ce même événement;
· une contre le policier qui a gravement blessé à l'?il une personne au
cours de son arrestation;
· une contre les policiers/ères ayant utilisé des grenades
assourdissantes et ayant blessé une activiste par ce moyen.

Du point de vue de l'activité des instances judiciaires, nous constatons
que les enquêtes ouvertes à la suite de ces plaintes sont instruites de
manière très lente. Aucune inculpation n'est prononcée à ce jour. Dans un
cas, l'identification des policiers/ères responsables du fait n'a même
pas encore eu lieu. Cela contraste avec la rapidité avec laquelle les
enquêtes ouvertes contre les activistes ont été conduites et ont débouché
sur des condamnations.
Du point de vue de l'attitude de la police, nous constatons que celle-ci
conteste toute responsabi-lité et ne prend aucune mesure disciplinaire
contre les responsables.

Bilan politique

Nous l'avons indiqué, du point de vue de la répression il y a eu un avant
et un après G8. Nous n'entendons pas par là qu'il y ait eu une rupture,
mais une accélération de processus qui étaient en cours de façon plus ou
moins larvée.

Confusion et exploitation politiques:
«violence», «casseurs/euses», «black bloc»

Ces trois termes se sont imposés dans le langage médiatique et politique
courant, sans souci de définition, comme si leur sens faisait l'objet
d'un consensus, y compris quant aux personnes qu'ils désignent: des
manifestant-e-s, toujours. Ces représentations atteignent la caricature.
Or, qu'est-ce qu'une action violente de la part de manifestant-e-s? Des
insultes proférées contre des hommes et femmes politiques ou contre la
police? Le jet d'objets contre un barrage de policiers/ères antiémeutes?
Le barbouillage d'une affiche? Le sprayage d'un slogan sur un mur? Le
bris d'une vitrine? Le saccage d'un commerce? L'érection d'une barricade?
L'usage d'explosifs? La prise d'otages? L'atteinte à l'intégrité physique
de personnes? Le meurtre? L'attentat à l'explosif contre des populations
civiles? A écouter celles et ceux qui parlent de «violence» on ne sait
pas au juste ce qu'ils/elles désignent dans cette gamme d'actions très
large. A l'inverse, la violence des institutions capitalistes et la
violence de la police en armes contre les manifestant-e-s sont
complètement ignorées, à croire qu'elles constituent la norme.
Quant au terme de «casseur/euse», il a désormais reçu son homologation.
Qu'est-ce qu'un-e casseur/euse? Une personne qui commet des actes
gratuits de déprédation, atteignant aux sacrosaints biens matériels. Pas
de débat sur ce que ce genre d'action peut représenter, ni sur le
pratiques de provocation et d'infiltration policières sur ce terrain
privilégié de la manipulation. Cependant, il faut relever une certaine
ambiguïté au sein de la gauche: selon les épisodes, les auteurs/trices de
déprédations ne sont pas qualifié-e-s de casseurs/euses, comme s'il y
avait une casse propre et une casse à condamner, selon des critères
d'opportunité politique du moment.
Enfin «le black bloc» qui, au niveau des fantasmes, semble fournir le
support idéal de projection du Mal, sorte de synthèse des deux
représentations décrites ci-dessus, renforcées par le port si controversé
de la cagoule. Le black bloc est une forme d'action, mais médias et
personnages politiques insistent à vouloir le faire passer pour une
organisation structurée au sein de laquelle agissent des «manifestant-e-s
violent-e-s», d'ailleurs «casseur/euses».
Bien que la ficelle soit grosse, il est consternant de constater à quel
point une majorité des forces de la gauche se laisse entraîner dans ces
représentations, si clairement utilisées pour manipuler et diviser le
mouvement, pour le criminaliser, pour justifier et légitimer la
répression. Il serait opportun qu'à gauche on veille d'une part à la
portée et à la définition des vocables qu'on emploie et, d'autre part, on
consente l'effort de mémoire qui permet de se souvenir que les luttes
sociales n'ont pas toujours respecté l'intégrité des biens matériels. Le
débat sur les formes d'action des un-e-s et des autres est intéressant et
légitime; la collaboration avec les man?uvres de criminalisation d'une
partie du mouvement est à éviter. Or nous ne sommes pas, en ce moment,
sur le bon chemin.

Polices, armes, armée

A Lausanne, le G8 a permis la régularisation de la police antiémeutes.
Depuis les années '80 elle n'apparaissait plus qu'exceptionnellement. Le
G8 a été l'occasion de l'équiper et de la légitimer. Désormais, il est
rare qu'une manifestation se déroule sans la présence visible ou à
proximité de grappes nombreuses de policiers/ères antiémeutes.
A Lausanne toujours, nous avons pu constater un important élargissement
de l'autonomie de la police. Lors de récentes manifestations, compte tenu
des déploiements de policiers/ères antiémeutes, la permanence du gar a
été amené à interpeller des conseillers/ères municipaux/ales et le
syndic. Il ressort de leurs déclarations que le chef de la police a reçu
de la Municipalité des instructions générales au terme desquelles il lui
appartient d'évaluer la situation sur le terrain et de décider l'envoi de
détachements antiémeutes en cas d'«indications spéciales». Apparemment,
la police jouit de la part du politique d'une très grande délégation dans
l'appréciation de l'opportunité des interventions. Cette place croissante
que prend la police en ville de Lausanne est confirmée par les éléments
déjà relevés plus haut relatifs à sa pénétration de plus en plus
importante dans la conception de la prise en charge des désordres sociaux
occasionnés par la précarisation des conditions d'existence. Elle se
concrétise d'ailleurs par une très grande visibilité des forces de police
en ville, résolument omniprésentes.
Cette évolution s'inscrit bien entendu dans la tendance générale vers un
affinement de la gestion policière de la société. En ce sens, le G8 aura
mis en évidence et permis d'exercer aussi la collaboration des corps de
police des différents cantons, voire de pays limitrophes. On assiste à
une tendance vers l'uniformisation de la formation et de l'entraînement
des polices, une globalisation policière en quelque sorte, qui assoit sa
légitimité sur les menaces réelles ou supposées de terrorisme.
Dans ce même contexte, il importe de relever l'implication de l'armée.
Censée protéger la population contre les menaces extérieures, celle-ci
est utilisée face à la population civile, pour le maintien de l'ordre
intérieur, comme auxiliaire de la police. Bien que cela ne représente pas
une nouveauté dans l'histoire helvétique, le détournement n'est pas
anodin du point de vue de la désignation de l'ennemi à maîtriser.
Du climat d'obsession sécuritaire et de criminalisation des mouvements
sociaux découle aussi une utilisation de la part de la police d'armes
anciennes et nouvelles. Durant le G8, la police a fait un large usage de
matraques, gaz lacrymogènes, lances à eau, grenades assourdissantes,
balles en caoutchouc. Elle a occasionné de nombreuses blessures. Il nous
paraît évident que la police, s'il ne se trouve personne pour lui mettre
des limites, agit dans ce domaine comme bon lui semble dans la logique
qui lui est propre. Force est de constater qu'il n'y a pas de discussion
politique sur l'opportunité et l'ampleur de l'usage d'armes contre les
manifestant-e-s. La gauche institutionnelle ne fait pas exception et
semble s'accomoder parfaitement de cette nouveauté dès lors qu'elle est
dirigée contre des «manifestant-e-s violent-e-s» d'ailleurs
«casseurs/euses» et membres «du black bloc». Nous pensons qu'il est
urgent de s'en inquiéter. D'autant plus urgent que le fonctionnement de
la justice lors de plaintes contre la police n'est pas satisfaisant
(lenteur et extrême réticence à inculper des policiers/ères) et que, du
côté de la police, il n'y a aucune reconnaissance de ses responsabilités
dans des événements graves et aucune mesure n'est prise pour les
sanctionner.

Formes de répression

Hormis la répression par la présence intimidante ou la force brutale de
la police, d'autres moyens de répression ont été mis en ?uvre et se sont
renforcés depuis le G8.
Nous avons été confronté-e-s à la suspension de libertés fondamentales
dans des zones de la ville et dans le pays, touchant notamment la liberté
de mouvement et les libertés d'opinion, d'expression et de réunion. Nous
pensons notamment aux zones rouge et jaune de la ville de Lausanne et aux
interdictions infondées d'entrer dans le pays.
Dans ce domaine, nous n'avons pas encore la pleine mesure du fichage
politique lors de ce genre de mobilisation, fichage qui a eu lieu en
l'occurrence au travers des arrestations massives de la Bourdonnette. A
cet égard, relevons que l'épisode de la Bourdonnette suggère une
tentative d'imposer les contrôles d'identité massifs. Les événements qui
se sont déroulés à Landquart en janvier 2004 confirment cette stratégie.
Parmi les pratiques qui se sont affirmées, puis élargies, à l'occasion du
G8, relevons encore les contrôles au faciès et les arrestations
préventives, lesquelles, faut-il le rappeler, n'ont pas de base légale.
Dans ces registres, c'est le droit de manifester qui est attaqué. La
tentative de le limiter est évidente et clairement illustrée par
différents épisodes: l'interdiction de la manifestation du dimanche
après-midi 1er juin 2003 à Lausanne; ou encore le projet de loi genevois,
prévoyant de tels obstacles à l'organisation de manifestations politiques
qu'elle en devient quasi impossible. Il est à noter que ces obstacles à
l'organisation de manifestations sont déjà testés, avec ou sans loi
spécifique pour les fonder. A cet égard, il est édifiant d'observer
l'utilisation grandissante des moyens de répression pécuniaire, qui
invoquent notamment la responsabilité civile des organisateurs/trices
dans les dommages causés à des tiers. Rien de tel pour étouffer un
mouvement que de le ruiner ou d'en ruiner les représentant-e-s réel-le-s
ou supposé-e-s.
Enfin, nous mentionnerons la résurgence de l'interdiction
professionnelle: plusieurs personnes ont fait l'objet de menaces plus ou
moins directes sur leur emploi, suite à leur implication dans la
résistance contre le G8 ou dans des activités militantes particulièrement
réprimées.

Cibles privilégiées de la répression

A Lausanne, depuis le G8, nous constatons un acharnement manifeste des
autorités contre les milieux alternatifs. Il est peut-être bien la
conséquence des menaces que ces milieux ont reçues durant le G8 par des
représentant-e-s du PSL. Cet acharnement revêt plusieurs formes.
A Lausanne et dans ses environs, d'avril 2003 à avril 2004, 10 maisons
occupées par des squats ont été fermées. La police lausannoise est
intervenue sans hésitation dans l'évacuation violente de squats, même en
plein hiver, contrairement à la pratique en vigueur précédemment.
Le Puits, centre de culture alternative qui avait joué un rôle dans
l'organisation d'événements durant le G8, a été évacué et muré par les
autorités lausannoises. Des militant-e-s de ce lieu ont été amendé-e-s
pour débit de boissons non autorisé : entre amendes et frais, ils en ont
pour environ Fr. 15.000.-.
La manifestation roulante (février 2004) et la manifestation dénonçant la
crise du logement (mars 2004) ont été sévèrement encadrées par la police
en tenue antiémeute, sans que des événements sur le terrain en donnent
les raisons. Questionné à cet égard par la permanence du gar, le syndic
de Lausanne a affirmé que ces déploiements sont motivés par la présence
dans les manifestations de personnes liées à l'Espace autogéré car, en
raison de leur rôle durant le G8, la Municipalité ne leur fait pas
confiance. Cependant, la répression s'étend à des milieux plus
institutionnels. Récemment, on a vu à Lausanne des syndicalistes
condamné-e-s à des peines de prison avec sursis pour avoir entravé durant
quelques quarts d'heure la circulation des transports publics, lors du
détournement de parcours de la manifestation du 1er mai 2001.
Le gar considère qu'il est urgent d'unir les forces de résistance à la
répression, en surmontant dans ce domaine les clivages dus aux choix
différents de moyens d'action politique.

Annexes (sur demande)

«Appel de la Coordination européenne contre le G8»
«Mémorandum d'accord entre le Conseil d'Etat de la République et Canton
de Genève et la Police genevoise et le Forum Social Lémanique»
Communiqué de presse du 13 mai 2003 du FSL «Objectifs et moyens d'action
de la mobilisation anti-G8»
«Déclaration du comité vaudois anti-G8/G21»
«Charte de la permanence juridique genevoise pour la défense des droits
fondamentaux de tou-te-s les manifestant-e-s pendant le sommet du G8
d'Evian - juin 2003»
«Protocole d'accord entre le Comité vaudois anti-G8 et les représentants
de l'Etat pour les manifestations du 29 et 31 mai, 1er juin 2003»
«Doctrine d'engagement des forces de police pendant le Sommet du G8»,
relative au Canton de Vaud «Sommet du G8 d'Evian - Rapport final du
Conseil d'Etat au Grand Conseil et Réponse complémentaire à
l'interpellation Philippe Martinet», document relatif au canton de Vaud
(nous pouvons vous faire parvenir une copie en cas de demande)«Réponse du Conseil d'Etat aux interpellations Félix Glutz, Jean-Paul
Dudt, Christian van Singer, Yves Ferrari, Jean-Yves Pidoux et Patrick de
Preux concernant le G8», document relatif au canton de Vaud (nous pouvons
vous faire parvenir une copie en cas de demande)

«Pol Cant information - Spécial Sommet d'Evian - Hors série août 2003»,
document relatif au canton de Vaud (nous pouvons vous faire parvenir une
copie en cas de demande)

Document transmis par la Coordination anti-OMC de Lausanne
mail : contre-attaque(a)squat.net

[http://www.ainfos.ca/04/jun/ainfos00427.html]

Source: www.ainfos.ca