2009-02-28 

No OTAN ! "4 pages" du Monde Libertaire

Articles et informations pour lutter contre le sommet de l’OTAN

Pour ce sommet de l’OTAN, qui se déroulera en France et plus précisément à Strasbourg, Kehl et Baden-Baden en avril 2009, nous avons tenu à aller plus loin que les simples tracts et communiqués que nous avons pu produire soit en tant que Fédération Anarchiste, soit en tant que membre de la Coordination anti-Otan Strasbourg. Nous avons donc écrit un "4 pages" pour le Monde libertaire sur le sommet de l’Otan 2009 dont voici les textes :

- un texte introductif : L’Otan n’est pas seulement une structure militaire

- une analyse globale sur les enjeux géopolitiques de l’OTAN aujourd’hui : "L’OTAN, un monde meilleur dans le viseur"

- un aperçu de l’implication de l’Otan dans la sécurité intérieure : « Lex pacificerat » « Que la Loi pacifie »

- un bref extrait d’un manifeste où l’OTAN dévoile son vrai visage : « La forteresse assiégée » : le manifeste des généraux

- « Révolte dans la forteresse » : notre réponse aux généraux

Non à l'OTAN ! Sommet de l'Otan 2009 Strasbourg - Kehl - Baden-Baden

L’Otan n’est pas seulement une structure militaire

Créée en 1948 pour faire face à la menace soviétique, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord aurait dû disparaître en même temps que le monde communiste oriental. Cela aurait été trop simple. Les militaires ne disparaissent pas, ils se reconvertissent. L’Otan du siècle dernier n’existe plus, c’est son secrétaire général qui le dit.

Aujourd’hui, l’OTAN est une conception du monde, ce n’est pas la nôtre !

Il y a les pays riches et les autres.

La mondialisation capitaliste a accentué les tensions internationales au lieu de les réduire. La misère a augmenté d’un côté alors que la richesse croissait de l’autre. Conséquence, l’insécurité s’est généralisée. L’Otan se propose donc de protéger les investissements, de lutter contre l’immigration « sauvage » et de soulager les victimes de l’ordre injuste en collaborant avec des ONG trop contentes de faire la charité, protégées par de valeureux soldats.

L’OTAN , Amérique et Europe

Depuis les désastres de « l’ère Bush », les Etats-Unis n’ont plus de justification morale pour régenter le monde. Ils ont maintenant besoin de l’Union Européenne et particulièrement de la France, patrie des droits de l’homme, pour redorer leur blason. Le reste du monde de la Chine à l’Amérique du sud en passant par l’Afrique est jugée partie négligeable. Heureusement l’OTAN sera là pour nous protéger du mécontentement de ces pays, qui seront touchés de plein fouet par la crise économique.

L’OTAN et le développement industriel.

La réunion consensuelle de l’Amérique du nord et de l’Europe va avoir des effets positifs sur l’accroissement des capacités de production industrielle d’armements. La recherche technologique et militaro-scientifique va connaître un boom. L’ennemi étant aussi bien intérieur qu’hors OTAN, ces équipements seront testés ici, pour notre bien, pour notre sécurité.

L’OTAN, un monde meilleur dans le viseur

La première visite en Europe du président américain B. Obama enchainera les sommets du G20 et de l’OTAN. Dans ce contexte de crise du capitalisme, rencontrer successivement les dirigeants les plus puissants et l’Alliance militaire la plus considérable est plus qu’un symbole politique. Alors que l’OTAN a été créée au début de la guerre froide pour permettre un déploiement militaire américain en Europe, c’est essentiellement après 1989 que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord a été active. Issue d’une époque révolue, c’est dans le monde multipolaire d’aujourd’hui que l’OTAN exploite sa pleine dimension politique et militaire. Il nous faut appréhender le contexte géopolitique actuel pour saisir toute la pertinence de cet outil de domination qu’est l’OTAN.

En effet, une idée fondatrice de la mondialisation capitaliste est que les frontières n’entravent pas le libre cours du marché, que les nations profitent d’une saine concurrence. Or, au lieu de réduire les tensions internationales, cette même mondialisation les a aggravées.

Regardons par exemple les secteurs dits stratégiques qui ont toujours constitué l’exception à la règle néolibérale en restant la chasse gardée des États : biotechnologies, industrie de l’armement (…), mais surtout énergies. Si plus personne ne peut croire que la guerre en Irak n’était pas motivée par le pétrole, il en va de même pour les pirates des côtes somaliennes où il s’agit également de « sécuriser » le Golf d’Aden par lequel le pétrole transite. Pure coïncidence sans doute si l’OTAN se retrouve impliqué dans ces deux conflits armés.

Il est intéressant par ailleurs de noter le basculement du centre de gravité du capitalisme vers l’Asie. La Chine et l’Inde restent également très dépendantes énergétiquement, ces deux-là comptent bien prendre la part du gâteau des ressources qui leur revient. Jusqu’où seront-ils prêts à défendre leurs intérêts ?

L’Organisation de Coopération de Shanghai regroupe justement militairement et économiquement entre autres la Russie, la Chine et l’Inde. L’Iran les a rejoint en 2005. Ce groupe pose de facto la question d’une suprématie militaire numérique d’une alliance Chine – Russie.

Dans ce contexte, les anciennes « démocraties populaires » d’Europe de l’Est entrent progressivement dans l’Union Européenne quand l’ex- « grand frère » russe retrouve de sa superbe sous l’impulsion du capitalisme autoritaire de Poutine. Rien de plus logique alors que la Géorgie, tout juste sortie de la guerre d’Ossétie du Sud, demande son adhésion à l’OTAN.

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L’Otan dans le monde
Carte du monde avec les pays membres de l’Alliance Atlantique, les pays candidats ; ainsi que les pays membres du club de Shanghaï

Parallèlement, notons encore le renversement du proaméricanisme gouvernemental en Turquie, pillier de l’OTAN au Moyen Orient, en phase avec la dégradation de l’image des USA dans le monde arabo-musulman.

On le voit bien, le déclin relatif du leadership occidental dans le monde du XXIe siècle signe la fin de la domination sans condition du binôme USA – UE. Or, face à la géopolitisation de l’espace économique mondial, l’Europe et les USA n’ont d’autres véritables options que de s’allier.

Pour faire de nécessité vertu, l’OTAN apparaît comme un des moyens de maintenir leurs positions dominantes respectives, aussi bien stratégiquement qu’économiquement.

Et c’est en premier lieu pour faire la guerre que cette union prouve toute sa compétence : l’OTAN a participé aux guerres du Kosovo en bombardant la Serbie-et-Monténégro, de Bosnie-Herzégovine, d’Albanie, de Macédoine, et est encore engagée en Afghanistan et en Irak.

L’Irak justement et le renversement de l’opinion américaine même nous rappelle qu’il faut en quelque sorte être autorisé à faire la guerre. Ce bon droit falsifié de l’agresseur est généralement très bien construit dans l’opinion. L’OTAN permet justement de masquer les États derrière un paravent transnational et faire ainsi progresser cette légitimité. De la même manière, l’Otan peut servir à pallier les insuffisances de l’ONU (Organisation des Nations Unis) autre outil supra-étatique, mais où le droit de véto russe et chinois au conseil de sécurité limite le pouvoir des états occidentaux.

L’Otan permet également le maintient d’une politique impérialiste en Europe de l’ouest et alimente les tensions avec Moscou : la Moldavie, l’Ukraine et, comme nous l’évoquions, la Géorgie ont demandé leur adhésion à l’Alliance atlantique. La présence de bases militaires américaines en UE n’est pas non plus un simple héritage de la guerre froide, les aspirations de la Russie sont contenues par l’installation probable de missiles à la périphérie de l’Europe sous le nom de programme NMB.

Regardons enfin l’un des enjeux majeurs de ce sommet de l’OTAN à Strasbourg où la France va réintégrer le commandement militaire quitté en 1966. Il faut savoir que le système d’attribution des marchés de l’armement au sein de l’Alliance est soumise à la participation militaire aux conflits par les États membres. Quand le 06/02/09, à la conférence de Munich, J. Biden, vice président américain, déclare « Nous nous féliciterons de la décision éventuelle de la France de revenir dans les structures » N. Sarkozy se garde bien de son coté de dire que Dassault, EADS ou Nexter, nos trois marchands de mort nationaux, pourront trouver de nouveaux débouchés.

Cela se situe dans continuité de la Déclaration de Riga qui demande aux pays dont les budgets militaires diminuent d’augmenter à nouveau leurs dépenses. Le budget 2007 de l’Otan de 1,87 milliard d’euros et le fait que les 24 plus gros vendeurs d’armes au monde soient dans des pays membres de l’OTAN n’y est pas tout à fait étranger. Nous ne pouvons qu’y voir de notre coté un lien déjà éprouvé entre le capitalisme et la militarisation.

Nous dénonçons ces intérêts des États impérialistes qui se rassemblent sous la bannière de l’Otan. Sous un discours de « sécurité globale » se cache la priorité de maintenir un système économique et politique, quitte à écraser par la force ceux qui ne s’y soumettent pas. La solidarité internationale apparaît comme la grande absente du monde que l’on construit pour nous. Ce n’est pourtant qu’à travers elle que peut se construire la paix entre les peuples. Ne soyons pas dupes des annonces sur la nouvelle politique extérieure des États-Unis, si la forme change, la logique reste la même. Nous le savons : toutes les guerres sont contre nous et nous sommes contre toutes les guerres !

« Lex pacificerat » : « Que la Loi pacifie »

(devise de EuroGendFor)

La volonté de croisement entre sécurité intérieure et sécurité extérieure apparaît clairement au sein des pays membres de l’OTAN et se manifeste à différents niveaux. « L’approche pro-active » généralise depuis quelques années la recette belliqueuse de « la guerre préventive ». Il faut désormais anticiper et prévenir les conflits encore latents comme par exemple la « gestion » de l’immigration ou les mouvements sociaux. Ces derniers représentent des risques pour la sécurité des États et, selon cette doxa, ils relèvent donc... de l’OTAN !

Dans le même temps, l’Union Européenne a signé en 2002 l’IESD (Identité Européenne de Sécurité et de Défense) qui lui permet d’intervenir avec les moyens de l’OTAN si cette dernière ne le peut directement. Dans la même logique, Frontex (une sorte de police aux frontières de l’UE) et l’EuroGendFor (la gendarmerie du même type) peuvent accéder aux moyens de l’OTAN, y compris en terme de renseignements.

En Europe, ce sont bien les mêmes fusils qui gardent les ministères et qui tirent sur les populations du Kosovo ou de Bosnie. A croire qu’ils servent les mêmes dirigeants...

« La forteresse assiégée » : le manifeste des généraux

Dans un manifeste intitulé « Vers une grande stratégie pour un monde insécure », cinq anciens chefs d’État-major ont proposé lors du dernier sommet de l’Otan une nouvelle organisation mondiale :

Pour eux, dans un monde en pleine mutation, la communauté internationale fait face à six défis : « le défi démographique, le changement climatique, la sécurisation de la production énergétique, l’affaiblissement de l’Etat-Nation et des instances internationales (ONU, UE, OTAN), la montée du fondamentalisme religieux et du fanatisme », et enfin ce qu’ils nomment « la face obscure de la mondialisation » : terrorisme international, crime organisé, prolifération d’armes de destruction massive, immigration…

Voici maintenant la solution préconisée dans le manifeste : « Toutes ces menaces ensemble sont d’une échelle et d’une complexité sans précédent. […] Se protéger veut dire mettre en place une protection composée de missiles et d’engins cybernétiques afin de prévenir tout dommage infligé à l’alliance. On ne peut plus séparer la sécurité intérieure de la défense contre une attaque menée de l’extérieur puisque le risque peut venir d’organisations non-étatiques aussi bien que d’États ennemis. […] Nous vivons dans un monde ou l’ennemi peut vivre à côté de nous. La menace permanente de terrorisme et du crime organisé exige des restrictions des libertés individuelles mais cela ne doit pas diminuer la résolution des citoyens de défendre leur pays à quelque prix que ce soit. D’autre part la sécurité intérieure doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour détecter et prévenir les tentatives d’opposants d’infliger des dommages à nos sociétés vulnérables. »

« Révolte dans la forteresse » : notre réponse aux généraux

Le monde ultra-sécuritaire que proposent les généraux de l’OTAN est loin d’être la solution aux problèmes qu’ils évoquent. Alors, à nous de prendre les choses en main !

- Décroissance !

La surpopulation, le manque de ressources énergétiques, les dangers liés au changement climatique sont des problèmes inhérents à un monde régi par une logique de profit, dans lequel l’impératif de croissance passe avant le respect de l’environnement et la préservation des ressources naturelles. Repenser les logiques de consommation et de production, partager les richesses afin que chacun, sur terre, reçoive selon ses besoins, est la seule solution viable. Cette solution, la décroissance, passe par l’abolition du capitalisme et la participation de tous aux décisions politiques et économiques.

- Non à la propagande sécuritaire !

Terrorisme, fanatisme, crime organisé, questions liées à l’immigration : autant de problèmes générés par les inégalités et les luttes de pouvoir qu’engendrent l’impérialisme et le capitalisme. Pourtant, nos dirigeants prennent ces problèmes pour prétextes afin de mener une propagande basée sur la peur (du terroriste, de l‘immigré), pour que nous acceptions le renforcement des structures étatiques et militaires et la restriction de nos libertés. Ce sont eux les premiers des terroristes ! Refusons de participer à la construction de la « forteresse OTAN » : désobéissons ! Partout, encourageons et soutenons l’objection de conscience, l’insoumission et la désertion. Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes !

Les généraux de l’OTAN veulent nous faire croire que nous devons choisir entre d’une part le chaos et la violence, et d’autre part la forteresse sécurisée qu‘ils veulent mettre en place. Nous avons choisi une troisième voie : celle de la solidarité internationale dans la lutte contre l’État et le capitalisme, pour un monde plus libre et égalitaire.